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Libération
Éditorial

La fabrique numérique

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EcoFuturdossier
publié le 13 avril 2014 à 18h06
(mis à jour le 21 avril 2014 à 14h41)

L'ancien boss d'Alcatel Serge Tchuruk qui prédisait en 2001 «l'usine sans usine», en pleine odyssée de la bulle internet, avait tout faux. La mode du fabless voulant que l'industriel occidental devienne un pur designer externalisant toute sa production en Asie pour maximiser ses marges, c'était évidemment du bullshit de consultant en costume gris. Un élément de langage qui aura permis de délocaliser des centaines de sites, en détruisant des dizaines de milliers emplois et beaucoup de valeur(s) au sens premier du terme.

Aujourd'hui, par l'un de ces retournements épistémiologiques dont la «science» économique a le secret, l'usine fait son grand retour en mode 2.0. La révolution numérique n'est plus censée disperser la chaîne de production aux quatre coins du monde façon puzzle. Elle doit donner naissance à «l'usine augmentée»: hyperproductive, ultracompétitive et créatrice d'emplois… Salarié échaudé craignant la douche froide, nous resterons prudents avec ce nouveau concept de saison. L'usine de demain sera évidemment bien plus connectée et robotisée qu'elle ne l'est aujourd'hui. En un mot «intelligente», si tant est que leurs managers le soient. Car toute la question est de savoir quelle place la «fabrique numérique» laissera au travailleur en chair et en os. Certains prédisent le pire : l'usine humanless, la destruction de la moitié des emplois industriels d'ici la fin de ce siècle au profit des machines