Chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), Damien Demailly coordonne le programme «Nouvelle Prospérité» et étudie l’impact des nouvelles formes d’économie collaborative.
L’économie du partage devait redonner du pouvoir au consommateur et l’on se retrouve face à des géants comme Airbnb… C’est la grande désillusion ?
Non, parce que dans les faits, l’économie du partage a toujours porté en elle cette contradiction entre utopie et big business. D’un côté, il y a une vision libertaire née de l’Internet social qui réunit des gens désireux d’échanger des biens et des services en pair à pair pour renouer du lien, redonner du sens à la consommation, au travail. En résumé : «Je partage mon logement, je te prête ma voiture ou ma tondeuse en échange d’un service, on jardine ensemble parce que c’est cool et que c’est bon pour le vivre-ensemble et l’environnement.» De l’autre, il y a la vision marchande, voire ultralibérale, qui voit des entrepreneurs se positionner en intermédiaires pour développer cette nouvelle économie et en tirer un maximum de profits. Aux deux extrémités du spectre, cela donne le site de prêt gratuit d’objets entre particuliers Sharewizz face à Zilok, Donnons.org face à eBay, des sites de colocation non lucratifs et Airbnb qui vaut 10 milliards de dollars en Bourse.
Dans les faits, on assiste donc surtout à une extension du domaine marchand ?
A ses débuts, cette nouvelle économie collaborative était porteuse d'un discours très positif et un peu utopique sur le social et l'environnement, discours que l'on peut retrouver dans les livres de Jeremy Rifkin comme l'Age de l'accès et la Troisième Révolution industrielle. C'est bien