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Libération
Interview

«Une forme de crétinisme de communication»

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Pour Jacques Sapir, les socialistes au pouvoir tiennent un langage hypocrite :
publié le 15 juillet 2014 à 19h06

Economiste hétérodoxe et opposant à la monnaie unique, Jacques Sapir condamne la sortie de Michel Sapin. Sur la forme comme sur le fond.

Que reprochez-vous à Michel Sapin quand il dit que la finance est son «amie» ?

D'abord le fait que Sapin utilise le terme «finance» plutôt que de parler de processus de financiarisation de l'économie. Ce à quoi on a assisté depuis les années 80, c'est un mouvement de déréglementation financière qui a institué les marchés et les banques comme l'instance dirigeante en dernier ressort de l'économie. Utiliser le terme «finance» pour décrire ce processus est une forme de crétinisme communicationnel. Et cela permet d'aboutir à une formule malhonnête : la «bonne finance», dont parle Michel Sapin, n'existe pas. Il n'y a qu'un processus, dont les effets délétères ont été constatés à maintes reprises depuis le début des années 2000.

Ne peut-on pas, quand même, différer la bonne de la mauvaise finance ? Michel Sapin dit qu’il reste l’ennemi de cette finance à l’origine de la crise des subprimes…

On aurait pu accepter cette déclaration s’il y avait eu une réelle volonté du gouvernement de s’attaquer à la «mauvaise» finance. Or ce n’est pas le cas. Par rapport aux gouvernements occidentaux, le gouvernement français est celui qui a fait le moins pour réguler le secteur financier. Nous sommes à des années lumière de la Grande-Bretagne qui a produit le rapport Vickers instaurant une barrière entre activités de marché et de détail.

La France a pourtant instauré la loi de séparation bancaire…

Cette loi est un texte hypocrite et laxiste. Il oblige les banques à loger certaines activités spéculatives dans des filiales, mais seulement 0,75% à 2% de leur produit net bancaire est concerné. Toutes les activités interdites à la maison mère (les prêts aux fon