Menu
Libération
Reportage

Schneider paye une tournée de canons

Article réservé aux abonnés
Le maître de forge a reçu «Libération» pour une visite guidée des ateliers qui produisent à la chaîne notre «glorieux» 75.
publié le 3 août 2014 à 18h06

«L'entrepreneur en bombes funèbres, le profiteur de guerre, j'en passe… voilà les surnoms dont m'affublaient il y a peu Jaurès - paix à son âme, même si je doute qu'il fut bon chrétien - et ses amis fauteurs de troubles», attaque d'emblée le maître de forges en nous fixant de son regard bleu acier derrière son grand secrétaire Napoléon III. «Maintenant que l'ennemi est à nos portes, tout ce joli monde socialiste va voter l'Union sacrée comme un seul homme et sera bien content de trouver nos canons forgés au Creusot pour stopper les casques à pointe», ajoute Eugène II Schneider en lissant son impeccable moustache cirée. A l'annonce des hostilités, Charles Prosper Eugène Schneider, troisième du nom et deuxième du prénom, a accepté de nous recevoir en son château de la Verrerie, l'ancienne cristallerie de Marie-Antoinette rachetée en 1837 par son grand-père, Eugène Ier, pour en faire la résidence de la dynastie du Creusot.

Marchand de canons au point d'en avoir fait l'emblème familial - au bouton d'argent de sa redingote, nous remarquons le fameux «S» frappé sur deux fûts de Gribeauval croisés - le gérant des établissements Schneider & Cie est disposé à vanter le savoir-faire de sa firme en matière d'artillerie. Dans les limites, s'entend, du secret militaire : «Même ici, au Creusot, l'ennemi a des oreilles. Mais la sûreté veille comme une sentinelle», prévient-t-il, soudain soupçonneux. Eugène Schneider retrouve le sourire quand il entrepre