La rentrée. Se jeter sur les centaines de mails en souffrance de sa messagerie (pour ceux qui n'ont pas continué de les gérer pendant leurs vacances), affronter les mille tâches urgentes liées à la reprise de la vie normale. Constater une fois de plus que chaque journée est une lutte perdue d'avance contre le temps et que, smartphone aidant, la disponibilité professionnelle devient quasi illimitée. Absorber, sans avoir le temps de s'y arrêter, le flux continu d'informations venues du monde entier que déversent médias, Internet et réseaux sociaux. Et se retrouver envahi par un sentiment d'impuissance et de course absurde… comme «le hamster dans sa cage, prisonnier de sa roue», image souvent évoquée par le sociologue allemand Hartmut Rosa.
L'accélération du rythme de la société moderne n'est certes pas une découverte, pas plus que ne l'est l'emballement du progrès technologique de ces dernières décennies, et de la révolution numérique en particulier. Mais les effets délétères sur l'homme moderne de cette accélération ont tardé à être étudiés, estime Hartmut Rosa qui s'est, lui, consacré à ces sujets (1). «L'histoire de la modernité est celle de l'économie du temps mais aussi de la raréfaction du temps», a-t-il expliqué lors d'une conférence à l'Insa de Lyon l'an dernier. L'accélération vise aussi bien la technique et la société que nos rythmes de vie individuels, estime-t-il, constatant que plus une société est riche, moins les individus ont de temps.