Voyageur régulier, l'écrivain suisse Alexandre Friederich, 48 ans, a aligné dix-sept vols sur vingt jours au printemps 2012, en ne quittant jamais les zones aéroportuaires. Son livre, Easyjet (éd. Allia) décrit le modèle du low-cost et les contours d'une société à venir. «Vous connaissiez le voyage en avion avant Easyjet ?» me demande-t-il. Ma réponse semble le rassurer. «Car un jeune de 25 ans ne peut pas savoir comment c'était avant…»
Pourquoi Easyjet ?
Je réalise plus de trente vols par an, et notamment via cette compagnie low-cost créée en 1995. L’avion est désormais vu comme un moyen de transport banal, et il ne vient aujourd’hui à personne l’idée de raconter un vol. La banalisation de l’outil n’est nulle part aussi importante que dans cette compagnie qui a bouleversé les règles de l’aviation commerciale. Mon objectif était de mesurer le degré d’aliénation d’un système codifié, petit laboratoire du futur proche de notre société.
Votre sous-titre dit «Espace, temps, argent». Les pierres de touche du low-cost ?
Les grandes fortunes font beaucoup d'argent sur la base d'algorithmes. J'ai joué sur la combinatoire littéraire pour dire que si on rentabilise au maximum l'espace et le temps, on fait de l'argent… «Donner aux gens le maximum pour un minimum d'argent, c'est le moyen que j'ai trouvé pour que les gens m'aiment», déclarait le fondateur d'Easyjet, Stelios Haji-Iannou. L'espace s'est réduit, les déplacements sont plus fréquents. Cette façon de circuler inverse le paradigme précédent : avant, on se rendait quelque part par intérêt. Aujo