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Libération
EDITORIAL

Baroque

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publié le 21 octobre 2014 à 19h46

Phénomène rare, peut-être unique… La France, qui n’aime guère ses patrons - elle a parfois de bonnes raisons pour cela -, s’incline avec une émotion qui n’est pas seulement de convenance devant la mémoire de Christophe de Margerie, l’homme qui aimait le pétrole brut et le whisky raffiné, les blagues plus drôles que fines, les débats jusqu’au bout de la nuit et les accords du petit matin. Il traînait pourtant derrière lui un chapelet de boulets qui aurait fait un épouvantail de tout autre responsable : une industrie dominatrice et polluante, un des meilleurs salaires du CAC 40, des accidents terribles comme celui de l’Erika ou d’AZF, des relations cordiales avec quelques dictateurs au pedigree aussi noir que leur pétrole. Pourtant, Cécile Duflot, la CFDT, ses collaborateurs humbles ou titrés et ses adversaires les plus déclarés lui rendent hommage. Il y avait bien sûr l’homme, chaleureux, direct, excentrique, hétérodoxe, aux idées souvent baroques mais à la compétence sans faille. Il y avait surtout, derrière le PDG surpuissant, une certaine idée du patronat. Christophe de Margerie rendait compte à ses actionnaires et les régalait au passage de copieux dividendes. Mais il n’était pas seulement leur homme, comme la gouvernance qui prévaut au sommet du capitalisme mondial voudrait l’imposer. Il cherchait aussi l’accord avec ses salariés, prenait en compte les intérêts de la collectivité en même temps que les siens, cherchait toujours à négocier. Quoique riche, il voyait l’entre