«On nous a rendu ce qu'on nous avait volé, notre nom, ça valait le coup d'être têtu.» A la tête de la Forge de Laguiole qui emploie 110 personnes à la confection de couteaux (120 000 par an) et de produits de la table dans un village de 1 300 âmes de l'Aveyron, Thierry Moysset exulte. Une décision de la justice européenne vient de mettre fin, et en sa faveur, à un conflit de marque vieux de six ans. Saisi par la commune de Laguiole, cette dernière a annulé mardi la marque déposée en 1993 par un habitant du Val-de-Marne, Gilbert Szajner, afin de vendre de la coutellerie mais également 38 autres classes de produit (des meubles aux vins en passant par les lunettes) estampillés du nom du village célèbre partout dans le monde. Cette décision peut cependant encore faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant la Cour de justice de l'Union européenne à Luxembourg dans un délai de deux mois.
Ce cauchemar de la mondialisation a déjà une longue histoire. Elle prend forme en 2001, lorsque le «vampire de Laguiole», comme on l’appelle dans le village, demande l’enregistrement de cette marque au niveau européen. Il l’obtient en 2005. La voie est alors libre pour vendre des licences Laguiole à des fabricants de biens faussement artisanaux produits en Chine et au Pakistan. On les retrouve vite jusque dans les commerces de ce village également réputé pour sa gastronomie avec la filière bovine de l’Aubrac et le restaurant trois étoiles Michelin du chef Michel Bras.