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Libération
Interview

«La marque French Tech doit être reconnue dans le monde»

David Monteau, directeur de l’organisme chargé de soutenir les start-up à l’international, vante le dynamisme hexagonal.
publié le 16 novembre 2014 à 17h06
(mis à jour le 28 octobre 2015 à 15h52)

Créer un écosystème favorable aux start-up et les soutenir à l’international : ce sont les deux objectifs principaux de la French Tech, initiative gouvernementale pilotée depuis Bercy par David Monteau.

Qu’est-ce que la French Tech ?

C’est une initiative publique qui vise à renforcer la dynamique de croissance des start-up en France et à les épauler à l’international. Elle est née en décembre 2013 sous le patronage de Fleur Pellerin, alors secrétaire d’Etat au Numérique. Son origine, c’est le rapport «Quartiers numériques» de la Caisse des dépôts, qui traitait principalement des infrastructures à mettre en place dans les villes, mais sans prendre en compte la notion d’écosystème.

Quels sont ses objectifs ?

Nos trois mots d'ordre sont fédérer, accompagner et promouvoir. Le rôle de l'Etat est de soutenir les entrepreneurs innovants, pas de devenir opérateur à leur place, ni de les subventionner. D'ailleurs, ils ne réclament pas de subventions, mais des aides, que nous allons leur fournir sous formes de sensibilisation des établissements de formation, et de création d'un environnement favorable aux capitaux-risqueurs et aux fonds d'investissement. L'innovation est différente de la recherche fondamentale : elle comporte une dimension de risque et aussi de disruption des processus via le numérique. Mais surtout, elle vise à développer des produits et des services. C'est pourquoi nous voulons aider ces jeunes pousses : selon la Banque de France, les 8% de PME à forte croissance [plus de 6% par an, ndlr] génèrent 58% des emplois !

Est-ce aussi un outil pour enrayer la fuite des cerveaux ?

Bien sûr. Le monde entier cherche à attirer les start-up et plusieurs métropoles sont en concurrence : Londres, place financière propice aux investissements ; Berlin, où le coût de la vie est assez bas ; Paris, qui a le plus grand nombre d’incubateurs et d’ingénieurs. Mais aussi New York, très proactive depuis cinq ans. Sans oublier bien sûr la Silicon Valley californienne. La French Tech est la réponse française à cette compétition mondiale. Les idées innovantes sortent à peu près au même moment à différents endroits. Ensuite, c’est une question de vitesse pour les développer et les faire vivre. Aux Etats-Unis, ils sont deux fois plus rapides que nous pour porter leurs innovations sur le marché. Il faut que nos start-up soient aussi rapides.

Quelles sont les actions concrètes envisagées ?

Nous voulons devenir l’équipe de France des start-up, en favorisant la culture entrepreneuriale sur tout le territoire national. Le label «Métropole French Tech» va permettre de mettre en lumière la dynamique d’une région, avec des entrepreneurs locaux emblématiques, des espaces d’expérimentation pour les jeunes pousses du cru, des investisseurs régionaux. Neuf métropoles régionales, outre Paris qui concentre 60% des start-up, viennent ainsi d’être labellisées (1).

Quels sont vos moyens ?

Nous allons apporter des ressources aux accélérateurs de start-up grâce à un fonds de 200 millions d’euros géré par BPIFrance, qui co-investira dans les start-up avec des investisseurs privés. Nous avons également une dimension internationale. En effet, plus un pays est dynamique en termes d’innovation, plus il est attractif pour les entrepreneurs, les talents, les investisseurs étrangers. Or, il existe un écart certain entre la perception internationale de la France et sa réalité.

De quelle nature ?

La France n’est pas vue comme une terre favorable à l’entrepreneuriat, en raison d’une supposée rigidité du droit du travail. Or les start-up veulent de la simplicité et de l’agilité. Mais nous avons fait venir en juin des investisseurs de la Silicon Valley et ils ont été frappés par le dynamisme de nos jeunes entreprises innovantes. Ils ont aussi pris acte de la volonté politique de soutien à l’innovation incarnée par la French Tech.

Avez-vous d’autres moyens financiers que ceux de BPIFrance ?

Oui, nous disposons d'une enveloppe de 15 millions d'euros pour soutenir des opérations à l'étranger. Par exemple, nous allons accompagner les 120 start-up françaises qui seront présentes au prochain CES [le Consumer Electronic Show, salon de l'électronique grand public] de Las Vegas en janvier, et leur apporter des ressources en matière de communication, de relations publiques, d'influence. Nous sommes là pour amplifier l'impact de ces sociétés et fédérer l'écosystème. La marque French Tech doit à terme désigner l'ensemble des start-up françaises et être reconnue dans le monde entier, un peu comme la French Touch l'a fait pour la musique électronique.

Quel est l’agenda de la French Tech pour les mois à venir ?

Les moyens financiers seront disponibles à compter du 1er janvier. Nous espérons créer six à sept accélérateurs d'ici fin 2015 et labelliser une quinzaine de métropoles. Il y aura aussi des espaces French Tech de plusieurs centaines de mètres carrés au sein de la halle Freyssinet, le plus grand incubateur mondial, qui vient d'être inauguré par Xavier Niel et le président de la République, et doit accueillir un millier de start-up. Nous serons aussi présents à la French Touch Conference de New York les 24 et 25 juin prochains et à SXSW Interactive [South by Southwest, une conférence sur le numérique] à Austin, au Texas, en mars 2015.

Quels seront les indicateurs du succès de cette initiative ?

D'ici cinq ans, nous verrons combien de start-up ayant bénéficié du label French Tech auront réussi. Mais aussi combien de venture capitalists [capitaux-risqueurs] seront venus investir en France. Et à terme, cette mission a vocation à devenir une véritable agence du numérique pour fédérer les acteurs publics de l'innovation : UbiFrance, BPIFrance, la Caisse des dépôts, la Direction générale de l'équipement, etc.

(1) Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Nantes, Montpellier, Rennes et Toulouse.

CV

David Monteau, 38 ans, est ingénieur de formation. Il a travaillé dans une start-up de bio-informatique, puis a rejoint l'Inria, où il a assuré les fonctions de directeur du transfert technologique. Il préside désormais la French Tech, une mission auprès d'Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat chargée du Numérique.

Photo Christophe Maout