Au beau milieu d’un quasi-désert aux arbustes rabougris, il faut faire un gros effort d’imagination pour s’y représenter une multitude s’ébrouant au milieu de cascades d’eau, dans un décor fastueux au style californien, avec centres commerciaux, hôtels de luxe et casino. On pourrait penser au caprice d’un cheikh d’une pétromonarchie. Mais, non, ce projet mirifique a lieu à Murcie, dans ce sud-est de l’Espagne qu’on croyait guéri de ce genre de coups de poker mégalomanes. Le projet Paramount semble un bégaiement de l’histoire récente : sur 133 hectares, tout près de la municipalité d’Alhama et de l’autoroute menant aux plages de Murcie, l’idée est d’ériger un parc thématique. Comme à l’époque où l’argent coulait à flots, avant le krach immobilier de 2008.
Paramount, qui a déjà obtenu tous les permis nécessaires, n’a pourtant rien pour rassurer : sur les quatre parcs thématiques existants en Espagne, seul Parque Aventura, en Catalogne (près de Tarragone) est rentable. A une centaine de kilomètres du futur Paramount, Terra Mítica - axé sur les grandes civilisations méditerranéennes - est un gouffre financier ayant coûté 425 millions d’euros et se trouve au bord de la banqueroute. Autre facteur n’invitant guère à l’optimisme : l’identité du promoteur. La société est détenue à 99,5% par Jesús Samper, un de ces constructeurs ayant triomphé dans les années 2000 et traînant aujourd’hui plusieurs casseroles. L’homme a été mis en examen dans le cadre de l’affaire «Umbra», un vaste réseau de corruption impliquant des élus locaux. Jesús Samper est aussi le président du principal club de foot régional, le Real Murcie, au bord du redressement judiciaire avec une ardoise fiscale de 11 millions d’euros.
Contrastant avec l'enthousiasme des années fastes de la bulle immobilière, les habitants de la bourgade voisine d'Alhama se montrent circonspects. D'après un récent sondage, les trois quarts doutent de la viabilité du projet et des 648 emplois directs promis par Jesús Samper. Et beaucoup estiment, à l'instar de l'écologiste local Ruben Vives que le projet n'a d'autre objectif que des visées spéculatives : «Ce parc thématique ne se fera pas, C'est de la poudre aux yeux pour attirer l'argent de nouveaux investisseurs. Il faut en finir une fois pour toutes avec ces projets qui ont apporté la ruine de la région !»