Transporteur de petits colis en camionnette ou chauffeur de semi-remorques durant deux semaines à un mois sur les routes de France, Olivier Adan a connu plusieurs facettes du métier. Et si son rythme de travail s'est aujourd'hui stabilisé, avec des horaires journaliers de 13 h 30 à 22 heures pour des trajets limités au Grand Ouest, il garde en tête toutes les «aberrations» de la profession. «Sur les véhicules de moins de 3,5 tonnes, il n'y a toujours rien pour mesurer les temps de route, déplore-t-il. Il m'est arrivé de faire quinze à dix-sept heures par jour pour gagner plus en en faisant plus, même si c'était une erreur. Sur les plus gros véhicules, il arrive encore que certains chauffeurs roulent sans carte de contrôle, c'est de l'inconscience !»
Sensible aux conditions de travail et de sécurité, Olivier Adan, qui consacre ses matinées à ses responsabilités au sein de la CFDT transports à Rennes, constate aussi que les patrons mesurent souvent trop tard les dangers qu'engendrent la fatigue et le stress. «Je connais une entreprise bretonne où il a fallu des accidents très graves pour qu'il y ait une prise de conscience», regrette-t-il.
Autre motif de colère pour ce chef d'une famille recomposée de trois enfants, «la concurrence déloyale» des chauffeurs venus d'autres pays européens (Pologne, Roumanie ou Lituanie, mais aussi Espagne ou Italie). «Jusqu'au milieu des années 90, les chauffeurs étrangers venaient avec de la marchandise et devaient repartir dans leurs pays. Aujourd'hui, ils vont décharger à Paris puis repartir avec de la marchandise à Marseille, puis Lyon, etc. pour des prix ridicules. C'est autant de marchés qui ne vont pas au transport français.» Olivier, qui travaille depuis cinq ans pour le groupe européen Ziegler pour 1 600 à 1 800 euros par mois, regrette également le temps des «pachas». Ces chefs d'entreprises qui se montraient, selon lui, plus respectueux des chauffeurs routiers pour avoir souvent avalé eux-mêmes des milliers de kilomètres. «Mais quand les entreprises ont été reprises par les enfants, c'est devenu plus compliqué. Avec eux, c'est souvent : "Si ça te plaît pas, la porte est grande ouverte !"»