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Libération
Témoignage

«Il n’y a pas assez de solidarité dans ce métier»

Marie-Line Bendou, 56 ans, ex-conductrice de car devenue routière.
Marie-Line Bendou a choisi ce métier «par amour pour les gros camions». (Photo Marc Chaumeil)
par Diana Saliceti
publié le 27 janvier 2015 à 19h26

Petit bout de femme emmitouflée dans une grosse parka jaune fluo, Marie-Line Bendou fait le pied de grue en attendant l'aube au milieu d'une vingtaine de confrères. Les chaussures rivées au macadam, les routiers bloquent les voies d'accès aux grandes entreprises de transport situées à Longueil-Sainte-Marie (Oise). «C'est par amour pour les gros camions que j'ai fait ce métier», lance Marie-Line en guise d'introduction. Un père transporteur, un mari routier et, comme une évidence, deux de ses trois fils également sur les routes. «Être routière, c'est super bien. C'est juste le salaire qui ne suit pas. En dix-huit mois chez Norbert Dentressangle, je n'ai jamais été augmentée. On ne peut plus aimer notre profession dans ces conditions.»

Un salaire de 1 700 euros net par mois, voilà ce que perçoit cette ex-conductrice de car, routière depuis quinze ans. Solidaire du mouvement de contestation initié la semaine dernière, Marie-Line a décidé de passer à l'action lundi, sous les couleurs bleu azur de la CFTC transports. «Il n'y a pas assez de solidarité dans ce métier. Certains routiers sont contents de profiter des avantages gagnés, mais ils ne veulent pas se battre.» Prime d'intéressement dérisoire, absence de treizième mois et de considération de la part des employeurs et des clients, Marie-Line et ses collègues en ont gros sur leur cœur. «Je travaille en moyenne douze heures par jour et cinquante-deux heures par semaine, explique cette mère de famille. Je me lève généralement vers 1 heure du matin pour récupérer mon camion à 3 h 30 à Creil [Oise, ndlr], à une soixantaine de kilomètres de chez moi. Pour me rendre sur mon lieu de travail, je paye 300 euros de gazole par mois. Faites le compte.»

Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), Vigneux (Essonne), Clermont (Oise), Saint-Ouen-l'Aumône (Val-d'Oise) : Marie-Line effectue des rotations autour de Paris. Tous les midis, la routière mange un sandwich dans son Renault Premium de 16 mètres. «Il y a une couchette mais je n'ai pas le temps de m'y allonger. Généralement, je suis de retour à Creil vers 15 h 30, et le temps de rentrer chez moi il est 17 h. Il m'arrive souvent de décharger moi-même des palettes d'une tonne alors que c'est le travail des salariés des entrepôts de la grande distribution. On se bat contre beaucoup de choses. Le patronat ne va pas lâcher comme ça, mais nous non plus !» Au même moment, un responsable syndical s'exclame : «Angers est bloqué et Le Havre aussi !»