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Libération
Témoignage

«Un taux horaire à peine supérieur à celui d’une femme de ménage»

Bruno Balatoni, 54 ans, routier depuis trente ans.
Bruno Balatoni: «C'est un beau métier, mais pas un métier d'avenir.» (Photo Marc Chaumeil)
par Diana Saliceti
publié le 27 janvier 2015 à 19h26

Bien malgré lui, Bruno Balatoni est au point mort. Son 44 tonnes a été stoppé par les syndicalistes au niveau du rond-point de la zone industrielle de Longueil-Sainte-Marie (Oise), alors qu'il allait faire le plein. «Voilà trente ans que je fais ce métier, j'ai toujours aimé la route, déclare cet imposant gaillard, visiblement gêné par les blocages. Je suis artisan routier, à mon compte depuis vingt ans. Même si je ne suis pas concerné par ce mouvement, je le soutiens.»

Les voyages de Bruno se font au long cours, à travers l'Europe, du lundi matin 5 heures, au vendredi soir 17 heures. Il retrouve alors sa femme et ses deux filles à Beuvry-la-Forêt, dans le Nord. «On voit du pays, des gens agréables et une belle clientèle. C'est un beau métier mais certainement pas un métier d'avenir. Je ne le conseillerai pas à mes enfants.»

Bruno est en contrat depuis six ans avec une entreprise française spécialisée dans l'aluminium. «Je gagne 1 500 euros brut par mois, et je monte à 2 200 euros avec les frais de route», estime-t-il, ajoutant qu'il consacre ce supplément de salaire aux loisirs de sa famille. Avec trois semaines de vacances l'été et une en décembre, il est toutefois rare qu'il lève le pied, quand bien même le ménisque brisé de son genou droit mériterait plus de soins qu'une simple genouillère. «Le taux horaire d'un routier est à peine supérieur à celui d'une femme de ménage, alors que les risques sont bien plus importants, estime Bruno. Certains jettent la pierre aux chauffeurs venus de l'Est alors qu'il faut bien qu'ils bossent, eux aussi. Moi, c'est plutôt aux entreprises qui vont s'installer dans ces pays-là que j'en veux.»

Car pour lui, l'autre faille, c'est le cabotage. Un système qui permet aux entreprises de réaliser un maximum de trajet et de chargements au sein du territoire national, avec chauffeur et camion étrangers. «Je n'approuve pour autant pas les blocages de ces jours-ci, il faudrait plutôt faire des actions autour des dépôts pétroliers.» Avant d'avouer : «Le syndicalisme, c'est pas pour moi. Je sais me défendre tout seul.»