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Le Rafale, l’avion le plus «presque vendu» au monde

L'Elysée a confirmé l'achat par l'Egypte de 24 avions Rafale à Dassault. C'est une première, après de nombreux échecs commerciaux. Retour sur une longue série de déconvenues pour l'avion de chasse français.
Un Rafale en vol au dessus de la Pologne lors d'une mission de l'Otan en avril 2014. (Photo Joël Saget. AFP)
publié le 12 février 2015 à 17h30
(mis à jour le 12 février 2015 à 20h37)

L'Egypte s'est engagée ce jeudi à acheter 24 Rafale au groupe Dassault, a confirmé l'Elysée dans la soirée. Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, signera le contrat le 16 février au Caire, pour un montant de 5 milliards d'euros selon Le Monde.

Ce devrait donc être bientôt la fin d'une exception française : la France est en effet, jusqu'ici, le seul pays à avoir acheté cet avion, malgré l’autorisation du gouvernement donnée à Dassault d’exporter ce «fleuron de l’industrie française» dès 1994. Les ventes à l’export sont d’ailleurs cruciales pour l’avionneur, afin de pérenniser la chaîne de production de l’appareil, tout comme pour l’Etat français qui doit s’engager dans le cas contraire à en acheter un certain nombre d’exemplaires, alors que le budget de la Défense est déjà calculé au plus près.

A de nombreuses reprises, Dassault fut sur le point de remporter le marché et, à chaque fois, il échoua. Une rengaine qui sonne comme une malédiction.

Première déconvenue aux Pays-Bas

En 2002, le gouvernement hollandais décide de remplacer sa flotte de F-16 par un autre appareil américain, le F-35. Pour les analystes, les Pays-Bas ont écarté l'avion de Dassault pour des raisons de politique intérieure : un signe en faveur de l'alliance atlantiste au détriment de l'Europe.

Les Américains s’imposent en Corée du Sud

Toujours en 2002, Séoul veut remplacer sa flotte et lance un appel d'offres. Le Rafale passe les premières étapes avec succès mais échoue au dernier moment. Les Coréens passent commande à Boeing pour une quarantaine de F-15. Les Etats-Unis avaient fait savoir à Séoul qu'ils considéreraient un achat en France comme une trahison. Séoul n'a pas pris le risque de déplaire à Washington qui équipe et entraîne son armée en assurant une présence de 37 000 soldats sur son sol.

Nouvel échec à Singapour

En 2005, Singapour préfère le F-15 au Rafale, deux seuls constructeurs en lice pour modifier sa flotte de combat. La commande porte sur une vingtaine d'appareils, pour un montant estimé à environ un milliard de dollars. «Le bambou pousse toujours du côté du plus fort», conclut le groupe Dassault.

Doublé par les Britanniques en Arabie saoudite

En 2006, Jacques Chirac est à la manœuvre. Il veut éviter une nouvelle déconvenue qui serait synonyme d'humiliation pour l'industrie française. Les négociations prévoient l'achat de 72 appareils pour un montant de 15 milliards de dollars. Mais à la toute dernière minute, c'est l'Eurofighter Typhoon qui remporte le «contrat du siècle».

Faute de calcul au Maroc

Les Français s'en mordent encore les doigts. En 2007, les choses sont en bonne voie pour que le Maroc achète 18 avions de combat. Les gouvernements français et marocain avaient convenu d'un prix, mais sans en avertir Dassault. Au moment des négociations, en juin 2006, l'avionneur fait une offre à 1,83 milliard d'euros. Le patron de l'armée de l'air marocaine évoque un prix inférieur de 300 millions. L'industriel français refuse de baisser son prix. Soudain, l'administration française exige de Dassault un rabais de 20%, tout en glissant dans le contrat une frégate que les Marocains n'avaient pas demandée. Ce joyeux bazar profite aux Américains : ils remportent le contrat et vendent une quinzaine de F-16 au royaume.

Trop cher pour les Suisses

Dassault est assez optimiste et espère vendre une vingtaine de Rafale à la fédération helvétique. Rapidement, on n'évoque plus qu'une douzaine d'avions et, en 2011, la Suisse choisit un avion suédois, le Gripen, au détriment du Rafale et du Typhoon. En cause ? Le prix, beaucoup trop cher. Üli Maurer, chef du département de la Défense suisse, fait une déclaration dans ce sens : «Il faut désormais s'habituer à l'idée que l'armée ne peut revendiquer uniquement ce qui est le plus performant, mais qu'elle devra admettre ce qui est suffisant pour remplir sa mission.»

Dernier échec en date au Brésil

En 2008, le Rafale passe la première sélection de la compétition brésilienne. Le pays veut acquérir 36 avions de combat. Le président Lula négocie avec Nicolas Sarkozy pour un transfert total de technologie. Mais le Rafale est sévèrement critiqué par l'armée brésilienne, qui l'estime trop onéreux et surdimensionné pour les besoins du pays. En 2013, le ministère de la défense brésilien annonce qu'il retient le Gripen, mois cher, et qui devrait créer plusieurs milliers d'emplois directs au Brésil.