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Libération
Analyse

Le Caire varie ses partenaires

Amputé d’une partie de l’aide américaine, Al-Sissi se rabat sur la France et la Russie.
publié le 13 février 2015 à 20h16

Une centrale nucléaire russe et 24 Rafale français. Cela ne fait plus de doute : l’Egypte cherche à diversifier ses partenaires en matière de coopération militaire. En visite au Caire les 9 et 10 février, Vladimir Poutine a offert une kalachnikov à son homologue égyptien, Abdel Fatah al-Sissi. Première visite d’un président russe depuis dix ans, la rencontre s’est close par la signature d’un accord préliminaire pour construire la première centrale nucléaire en Egypte. Et voilà que Le Caire confirme l’achat de 24 avions de combat et d’une frégate multimissions à la France. Cette nouvelle acquisition survient après l’achat, en 2014, de quatre corvettes de classe Gowind du groupe français DCNS pour un milliard d’euros.

Rapprochement. Préoccupée par la situation explosive qui règne en Libye, l'Egypte a apparemment besoin des capacités «multirôles» du Rafale malgré ses 200 F-16 américains. «Nous attendons l'arrivée de trois avions très prochainement, confie une source militaire égyptienne haut gradée à Libération. Ils vont nous donner la force de lutter contre les terroristes dans le Sinaï et de protéger nos frontières.» Car l'armée égyptienne s'inquiète aussi de la poussée de l'Etat islamique en Libye.

Pourquoi la France ? Après la guerre des Six Jours qui avait dévasté son aviation russe, l'Egypte s'était rééquipée en Mirage. Mais, depuis, Le Caire était un client modeste de l'armement français. Pour Dassault, la signature d'un tel contrat en trois mois relève de la divine surprise. Une partie de la presse égyptienne y voit la preuve d'un rapprochement idéologique entre les deux pays. Après l'attentat contre Charlie Hebdo, Paris comprendrait davantage la lutte que mènent les autorités égyptiennes contre les terroristes. Les médias locaux ont applaudi la récente sortie de Manuels Valls contre les Frères musulmans. «C'est le discours le plus violent d'un officiel européen contre la confrérie depuis l'éviction des Frères, en juillet 2013», salue Emad al-Din Hussein dans le quotidien Al-Shorouk.

Retour. La visite de Poutine et l'achat des Rafale témoignent aussi de la détérioration des relations entre Le Caire et Washington. «Les Etats-Unis ne veulent pas nous aider, dit un haut gradé. Il y a beaucoup de problèmes entre nous. La Maison Blanche soutenait les Frères et n'a pas accepté leur éviction du pouvoir. Aujourd'hui, elle fait pression sur les Etats du Golfe qui nous soutiennent financièrement.» Les Américains, partenaires privilégiés de l'armée égyptienne, ont en effet gelé une partie de leur aide (1,5 milliard de dollars par an) en octobre 2013 en réaction à la répression visant les partisans du président destitué Mohamed Morsi.

Moins d’un an après son élection, Al-Sissi multiplie les occasions de montrer le retour de l’Egypte sur la scène internationale. Le doublement du canal de Suez et l’achat d’une vingtaine d’avions tricolores en sont la dernière illustration.