Menu
Libération
Interview

Charles Wyplosz «Ce que demandent les Grecs est raisonnable»

La Grèce à gauche toutedossier
Charles Wyplosz, professeur d’économie à Genève, au sujet de la dette d’Athènes.
publié le 15 février 2015 à 20h37

C’est aujourd’hui, à Bruxelles, que la Grèce se retrouve, lors d’une réunion de l’Eurogroupe, dans un nouveau face-à-face avec le reste de ses partenaires européens. Entretien avec Charles Wyplosz, professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales et du développement, à Genève.

La première rencontre, la semaine dernière, entre le ministre des Finances grec et ses homologues européens a tourné au fiasco. Faut-il craindre le pire ?

Ce que demandent les Grecs est parfaitement raisonnable sur le plan économique. Ils ont été mal traités par la troïka avec des politiques d’austérité délirantes. Les prêteurs à la Grèce auraient dû se poser la question de la soutenabilité de la dette grecque au moment où ils accordaient des financements. Ils ne l’ont pas fait.

Il y a eu des erreurs économiques ?

C’est évident. Et ce sont des erreurs dont les Grecs ont pâti. La bonne solution en 2010 aurait été de commencer par réduire la dette publique grecque, et partant de mettre en place des politiques économiques raisonnables sans asphyxier tout un pays. Or, pendant deux ans, on a refusé de réduire la dette publique. On a imposé aux Grecs des politiques économiques de l’extérieur avec un déni total de démocratie. Alexis Tsipras a un mandat démocratique qui est celui du ras-le-bol de toute une population.

Ceci dit, nous sommes confrontés à deux logiques en totale opposition. Celle de Syriza et celle des Allemands. Celle des Allemands fonctionne sur le principe de l’ordolibéralisme, selon lequel l’économie doit répondre à des critères juridiques et respecter la loi à la virgule près. Sur ce principe, les Allemands martèlent que les Grecs doivent donc honorer leurs engagements. Il s’agit de faire coïncider ces logiques.

Se dirige-t-on vers un compromis ?

Nous sommes dans une situation de blocage. Mais toute bonne négociation est une suite de blocage et de déblocage. Si les uns et les autres abandonnent des positions très dogmatiques, alors il existe des solutions. Cela suppose que les Allemands acceptent qu’il y a eu des erreurs faites et qu’il est donc normal et sain de bâtir de nouvelles solutions. Mais pour l’instant, c’est plutôt : zéro remise en question.

Alors que les Grecs semblent prêts au compromis ?

Oui, et ce malgré des positions de départ extrémistes, comme l'embauche de nouveaux fonctionnaires. Ceci étant, Angela Merkel est dans une position délicate. Si l'Allemagne fait des concessions à la Grèce, alors Alternative für Deutschland , un parti très antieuropéen, ne manquerait pas d'en faire un argument de plus contre l'idée d'Europe.

Beaucoup estiment que le gouvernement Tsipras improvise en permanence. Qu’en pensez-vous ?

On a pu avoir ce sentiment, notamment la semaine dernière. Il est évident qu’il manque d’expérience. Il change de pied en permanence. Or, les Allemands veulent des propositions claires et précises.

Mais sur le plan purement économique, quelle serait, selon vous, une solution de compromis ?

C’est en permanence que des pays se retrouvent dans l’impossibilité de rembourser leur dette vis-à-vis des prêteurs officiels, ce qui est le cas de la Grèce, dont 80% de la dette est détenue par des Etats et autres institutions internationales. Il y a un endroit pour traiter ces sujets, c’est le Club de Paris présidé par le Trésor français. Je ne comprends pas pourquoi personne n’a proposé aux Grecs un Club de Paris. C’est le lieu de la négociation par excellence et qui fonctionne très bien. Ce serait pour les Allemands un moyen de sauver la face.