Ciel bleu et neige partout : la première semaine des vacances d'hiver a été excellente pour les stations de ski françaises grâce aux chutes de neige de fin janvier, tardives mais massives. Les acteurs du secteur ont retrouvé le moral après un début de saison plombé par un enneigement indigent. «Nous sommes totalement rassurés, la vie reprend son cours», se félicite Laurent Reynaud, délégué général de Domaines skiables de France (DSF), qui regroupe l'essentiel des exploitants de stations.
Inégalités. Sur les vacances de Noël, la fréquentation globale avait été en recul de 7% par rapport à la moyenne des quatre dernières années, selon DSF. Mais ce chiffre cache d'écrasantes inégalités : un bon début de saison des grands domaines d'altitude, en hausse de 2%, et la catastrophe pour les stations moyennes (- 12%) et surtout petites (- 24%). Les régions sinistrées sont celles dont les sommets sont les moins élevés : Vosges (- 57%), Jura (- 29%), Massif central (- 27%), Isère et Drome (- 18%)… Janvier étant resté très sec, nombre de domaines skiables ont été réduits à peau de chagrin, voire totalement fermés. Les canons à neige ont heureusement sauvé la mise à beaucoup de stations… même si jusqu'à Noël les températures étaient telles qu'en moyenne montagne il était impossible de produire de la neige de culture.
Faut-il voir là les effets du réchauffement climatique ? Au col de Porte, à 1 325 m d’altitude dans le massif de la Chartreuse (Isère), les météorologues ont mesuré depuis 1960 une baisse moyenne inexorable du nombre de jours enneigés chaque année : de 180 à 150 jours, 6 jours en moins par décennie. Idem à Chamonix (Haute-Savoie), à 1 000 m d’altitude : la moyenne annuelle de cumul de neige fraîche recule de 50% sur un demi-siècle… Cela dit, ces données lissent des situations irrégulières. Tandis que 1999 a vu un des hivers les plus enneigés depuis 1960, les hivers sans flocon des années 80 restent dans tous les esprits.
Niches fiscales. Ce qui a changé, c'est la fragilité accrue des stations face aux aléas météo. Depuis vingt ans, on est passé de 25 à 55 millions de journées-skieuren France. Les domaines skiables ont massivement investi, tandis que les communes multipliaient les programmes immobiliers, à grand renfort de niches fiscales. «Cela coûte de plus en plus cher de "fabriquer du ski"… et les clients sont de plus en plus exigeants», résume Laurent Reynaud. Tout est allé très vite, trop fort, y compris pour les petites et moyennes stations qui ont tenté de suivre le mouvement. Résultat, pour nombre d'entre elles : un bon gadin. Les déséquilibres structurels s'aggravent, trop d'investissements sur les pistes, en neige de culture ou en remontées, avec trop peu de recettes. Un mauvais début de saison, comme cet hiver, peut les mettre sur l'herbe.
Dans son rapport alarmant rendu cette semaine, la Cour des comptes est sans appel : dans les Pyrénées, le ski est en crise structurelle. La solution préconisée par des pouvoirs publics de plus en plus réticents à éponger les déficits ? La diversification : «Les stations de montagne doivent aujourd'hui repenser leur modèle pour proposer un tourisme moins dépendant de la neige, plus axé sur les quatre saisons», prône ainsi le «pôle d'excellence Tourisme de montagne», tout juste créé par le ministère des Affaires étrangères. Le secteur n'y croit pas : «Le tout-ski est fini, mais sans le ski, tout est fini», martèle Laurent Reynaud.