Et de deux. Après avoir porté plainte le 20 novembre contre la France auprès de la Commission européenne, Uber, la société américaine de VTC (voiture de tourisme avec chauffeur) leader mondial - fondée en 2009, elle est présente dans 54 pays et plus de 200 villes -, vient de récidiver à Bruxelles contre la loi Thévenoud. Objectif : continuer d’exercer son controversé service UberPop, soit le transport rémunéré de particuliers par d’autres particuliers - ils seraient plus d’un millier dans toute la France - dans leurs véhicules personnels. Ce n’est en effet pas son activité classique de VTC que le géant californien demande à la Commission d’autoriser dans l’Hexagone - elle l’est de fait, à l’instar de ses concurrents, grands (LeCab, Chauffeur-privé, Snapcar…) ou petits.
Courroux. Dans sa première plainte étudiée en décembre par Bruxelles, Uber estimait que la France aurait dû notifier la loi avant de l'adopter. «Cette question de la notification, ils l'ont soulevée par le biais d'une question préjudicielle, explique un spécialiste juridique. A savoir, demander au tribunal correctionnel de surseoir à statuer et pendant ce délai poser une question à la Commission.»Il précise : «Le gouvernement n'a pas notifié la loi Thévenoud car il considère que c'est une loi qui réglemente une profession. Et donc qu'il n'est tenu à aucune obligation en la matière.»
Avec cette deuxième plainte, le géant californien du véhicule de tourisme avec chauffeur veut obtenir «l'ouverture d'une procédure d'infraction contre le gouvernement français» pour parvenir à l'annulation de la loi Thévenoud, promulguée début octobre et en vigueur depuis le 1er janvier. «Les mesures prescrites par la loi enfreignent sérieusement un certain nombre de dispositions fondamentales et des principes du droit de l'Union européenne», selon un extrait de la plainte dont les Echos ont obtenu copie. Contacté par Libération, Uber n'a pas répondu.
On peut malgré tout aisément deviner les courroux que la société américaine a exprimés à la Commission. Le premier concerne l’interdiction par la loi Thévenoud de la géolocalisation des VTC par les clients avant toute réservation. Soit l’impossibilité pour les chauffeurs Uber - comme leurs pairs - d’effectuer de la maraude électronique, c’est-à-dire de rouler dans les rues sans client à bord ni à aller chercher, privilège restant celui des taxis. Le deuxième volet de la loi Thévenoud dénoncé par Uber auprès de Bruxelles est celui qui interdit à une société de VTC de mettre en relation des chauffeurs non professionnels et des utilisateurs. Soit pile-poil l’activité UberPop décriée par les taxis et autres acteurs de VTC.
Tactique. Reste que cette nouvelle plainte d'Uber n'est pas étonnante, tant le géant américain valorisé à 40 milliards de dollars (35 milliards d'euros) a fait de la procédure judiciaire sa tactique d'existence face à la réglementation. «Ils cherchent à gagner du temps et à faire feu de tout bois pour pouvoir continuer à proposer leurs services le plus longtemps possible», confirme Charles-Emmanuel Soussen. Ce dernier a plaidé devant le tribunal de commerce de Paris à la demande de concurrents d'Uber pour faire interdire le service UberPop. Le 12 décembre, les juges ont demandé à la Cour de cassation de définir si ces pratiques sont conformes à la Constitution sur la liberté d'entreprendre. Le procureur a fait appel, le jugement sera rendu le 23 février. Si la cour d'appel juge UberPop illégal, le service devra s'arrêter et ses chauffeurs particuliers itou. La plainte déposée par Uber auprès de la Commission européenne est donc à considérer comme un contre-feu avant l'arrêt d'appel.