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Libération
Analyse

Dialogue social : les patrons font les sourds

Le double échec des discussions par branche sur les contreparties au pacte de responsabilité ainsi que celles sur la réforme des rapports sociaux révèle le peu de cas que le patronat fait des négociations.
Le 4 décembre au siège du Medef à Paris, lors d’une «mobilisation des chefs d’entreprise pour la croissance et l’emploi». (Photo Guillaume Bient. MYOP)
publié le 19 février 2015 à 20h06

Au rapport. A quelques jours de la nouvelle date butoir (début mars), accordée au patronat par le gouvernement pour négocier, branche par branche, des contreparties sociales au «pacte de responsabilité», la bouteille «est à moitié vide», estime le numéro 1 de la CFDT, Laurent Berger (lire ci-contre). Seuls un peu plus de la moitié des salariés sont en effet couverts par un texte prévoyant des embauches, une amélioration des conditions de travail ou encore des investissements (lire page 4). Un bilan médiocre, alors que 100% des entreprises bénéficieront, elles, des 41 milliards d'euros de baisse du coût du travail prévus dans le «pacte» d'ici 2017.

«Sauvages». Le patronat, mauvais joueur ? Le reproche semble doublement justifié, depuis l'échec, fin janvier, de la négociation sur la réforme du dialogue social. A deux doigts de signer, le Medef a finalement reculé (lire page 5). Autre bilan, enfin, à mettre à son passif : les accords de «maintien de l'emploi» instaurés par la loi de juin 2013, et que seule une poignée d'entreprises ont, à ce jour, signés. Les employeurs continuent de privilégier des accords «sauvages», demandant des sacrifices aux salariés, mais sans s'engager à maintenir les postes de travail.

De plus en plus guidé par son seul intérêt, le patronat n'a rien à gagner à jouer la carte du compromis, font remarquer plusieurs acteurs syndicaux. «Le gouvernement, dans le cadre du pacte, a commencé par donner l'argent aux entreprises, avant de demander des contreparties, glisse un haut responsable syndical. En termes de rapport de forces, j'ai connu plus efficace.» Quant à la négo sur le dialogue social, «Gattaz était d'accord avec le texte, mais il a été victime de sa branche la plus conservatrice», note un proche du dossier. Une partie du patronat remontée en sous-main par l'UMP, et «notamment par Sarkozy, qui tape comme un sourd sur la CFDT du matin au soir», rapporte un visiteur de l'ex-président. Pour le principal opposant à Hollande, mieux vaut un échec qu'un accord de plus dans la besace réformatrice de l'exécutif. Sur les accords de «maintien de l'emploi», enfin, les employeurs n'ont effectivement aucun intérêt à s'engager pendant deux ans à maintenir leurs effectifs, alors que les accords de compétitivité plus classiques ne leur imposent aucune obligation. Autant de pressions ou d'opportunités qui créent un contexte peu favorable à l'engagement.

Menton. Cet espace libre laissé au patronat est aussi dû au camp d'en face. Empêtrée dans une crise interne dont elle semble tout juste se sortir, la principale centrale de France, la CGT, a été inaudible, pour les salariés comme pour les pouvoirs publics, depuis 2012. Et ce n'est pas la CFDT qui peut assumer, seule, le rapport de forces minimal nécessaire aux rapports sociaux. Un déséquilibre qui nécessiterait une pression de l'exécutif afin de rétablir la balance. Problème : après plus de deux ans de bienveillance - affichée - du gouvernement à l'endroit du Medef, rares sont les patrons qui se sentiraient impressionnés par les éventuels coups de menton de l'exécutif.