«Trop lourd, loin des salariés, décalé des enjeux de l'entreprise», le dialogue social va faire l'objet d'un lifting. C'est ce qu'a promis le Premier ministre, mercredi, devant les partenaires sociaux réunis à Matignon. Et ce même si ces derniers n'ont pas réussi à s'entendre sur le dossier au cours des mois passés. Pas question, donc, de laisser «l'absence d'accord [entre partenaires sociaux] faire obstacle à la réforme». Syndicats et organisations, loin d'être exclus, sont invités à participer à la préparation du texte. Reste que, même si Matignon s'inspire des pistes déjà avancées lors des négociations, tout en faisant en sorte de maintenir un certain équilibre entre syndicats et patronat, la concertation est désormais bien bordée par les «grands principes» présentés par Manuel Valls.
Simplifier la représentation des salariés
Sans surprise, Matignon propose d'élargir la DUP (délégation unique du personnel, qui permet aux entreprises entre 50 et 199 salariés de regrouper les délégués du personnel et le comité d'entreprise) aux entreprises jusqu'à 300 salariés. La DUP pourrait désormais inclure le CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ). Une proposition jusqu'ici dénoncée par certains syndicats qui craignaient que ce dernier soit dépossédé de ses moyens d'actions (intenter une action en justice ou recourir à un expert). Un point sur lequel Manuel Valls a voulu se montrer rassurant, précisant que le CHSCT conserverait «intégralement ses missions et ses prérogatives, y compris […] le droit d'ester en justice». Soit une version soft de la simplification qui «ne fait pas disparaître les instances». Mais le Premier ministre a aussi ouvert une porte en direction des patrons, notamment ceux des grandes entreprises, en proposant qu'une «fusion en une seule instance» soit possible, à condition que «les partenaires le souhaitent, par voie d'accord collectif». Cette instance serait compétente sur les questions individuelles, économiques, sociales, et bien sûr, sur les questions d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Un dispositif sur lequel Manuel Valls - plutôt favorable à sa généralisation - promet d'être «attentif». Tout en laissant entendre que des «évolutions futures» ne sont pas exclues.
Moins d’obligations d’information et de consultation
Sur les dix-sept obligations annuelles d'information et de consultation des organisations syndicales définies actuellement par le code du travail, Matignon propose de n'en conserver que trois. Une manière, selon le Premier ministre, de lutter contre la «sédimentation» qui transforme le dialogue social en «objet plus formel que vivant». Trois rendez-vous principaux rythmeraient donc la vie de l'entreprise portant respectivement sur la situation économique et financière de l'entreprise, sur sa situation sociale et sur les orientations stratégiques de l'entreprise. Même chose pour les douze obligations de négociation, dont huit annuelles, qui devraient connaître le même sort, sans toutefois que les coupes aient été précisées. Si la loi devrait regrouper certaines de ces obligations, les entreprises resteront libres, pour les autres, de fixer leurs propres règles par accord. Des règles spéciales pour les sociétés regroupant plusieurs sites seront aussi inscrites dans la loi, afin de mieux articuler les procédures.
Des commissions régionales pour les TPE
Point de tension entre les organisations patronales, la représentation des salariés des TPE (très petites entreprises) sera bien au programme. Malgré l'opposition de la CGPME qui freinait des quatre fers sur ce volet de la négo, des commissions régionales interprofessionnelles (composées de 10 salariés et de 10 employeurs) devraient être créées. «Chaque salarié, quelle que soit l'entreprise dans laquelle il travaille, doit bénéficier d'une forme adaptée de représentation», a tranché le Premier ministre. Ces dernières auront un rôle de conseil, d'information et de concertation. Mais elles n'auront pas de droit d'ingérence dans les entreprises et ne pourront donc pas faire de la médiation, comme le souhaitait la CFDT. Une précision qui n'a pas suffi à calmer la fronde des représentants des PME. Une opposition source d'inquiétude pour Matignon, qui craint que la CGPME joue la carte du blocage par pur intérêt corporatiste.
Valoriser les représentants syndicaux
Après avoir taclé les chefs d'entreprise qui «ne sont pas persuadés» de l'intérêt du dialogue social, le Premier ministre a passé un peu de pommade aux syndicats. Ces derniers verront leur formation renforcée et leur parcours professionnel sécurisé. Par ailleurs, la parité dans les instances représentatives fera aussi partie des objectifs du projet de loi.
Vers plus d’accords d’entreprise
Parmi les autres chantiers évoqués, le Premier ministre s'est exprimé en faveur d'un renforcement du dialogue social au niveau de la branche ou de l'entreprise. Ce qui n'a pas manqué de froisser le leader de la CGT, Philippe Martinez, qui s'est élevé contre l'«idéalisation» des accords d'entreprise. Tout comme Jean-Claude Mailly (FO), qui a pointé le risque d'une dérive vers un modèle anglo-saxon.