Le nouveau patron de la Deutsche Bank risque la prison. Jürgen Fitschen, un des deux présidents de la plus grande banque allemande, est accusé d’avoir fourni un faux témoignage lors d’un procès portant sur la faillite du groupe audiovisuel Kirch. Il sera jugé fin avril et risque entre six mois et dix ans de prison ferme.
L’affaire Kirch débute par la faillite, en 2002, de l’empire de Leo Kirch. Ce personnage sulfureux, ami intime de l’ancien chancelier Helmut Kohl, avait bâti un consortium des plus opaques à base de télévision payante et de vente de droits de diffusion d’événements sportifs, notamment les très lucratifs football et Formule 1. Leo Kirch, décédé en 2011, était convaincu qu’une interview à la chaîne Bloomberg de l’ancien patron de la Deutsche Bank (un des créanciers du groupe audiovisuel) était à l’origine de sa chute : Rolf Breuer y avait émis des doutes sur la solvabilité du groupe. En février 2014, la Deutsche Bank annonce qu’elle va payer un milliard d’euros, intérêts compris, aux héritiers de Leo Kirch pour clore un feuilleton juridique lui faisant de l’ombre.
Mais l'affaire n'est pas finie. Ce sont cinq dirigeants, actuels ou anciens, de l'établissement qui vont se retrouver fin avril devant un tribunal de Munich : Rolf Breuer ; le Suisse Josef Ackermann, qui lui a succédé à la tête de la banque ; Clemens Börsig, ancien chef du conseil de surveillance ; Tessen von Heydebreck, autre membre du directoire ; et l'actuel patron, Jürgen Fitschen. Tous sont accusés d'avoir livré de faux témoignages lors du procès-fleuve qui a duré plus de dix ans. Jürgen Fitschen aurait omis de corriger certaines déclarations «manifestement fausses» des autres accusés, afin «de ne pas torpiller» leur défense.
«Ça devient sérieux», écrit Der Spiegel, qui annonce déjà «un des procès les plus spectaculaires de l'histoire judiciaire allemande». «La question d'un départ de monsieur Fitschen est maintenant sur la table», estime de son côté le quotidien conservateur Die Welt. D'autant que la direction bicéphale du groupe est de plus en plus critiquée. L'Indien Anshu Jain codirige depuis 2012 la Deutsche Bank avec Jürgen Fitschen, censé garantir l'identité allemande de l'établissement. Le choix d'un président non européen pour l'institution de Francfort avait provoqué un vif débat.
La justice allemande, longtemps accusée d’être trop laxiste avec le monde des affaires, a durci le ton ces derniers mois avec des condamnations spectaculaires, comme celle de l’ancien patron de Karstadt-Quelle.