S'il est un art dans lequel Apple est depuis longtemps passé maître, c'est bien celui de faire monter le buzz à quelques jours de ses grands-messes. De passage à Berlin la semaine dernière, son PDG, Tim Cook, a promis à ses employés «une tonne d'annonces très rapidement à propos des applications» de l'Apple Watch. Selon toute vraisemblance, on en saura plus ce lundi soir sur la montre connectée de la firme à la pomme à l'occasion d'une keynote diffusée en mondiovision depuis San Francisco, à 18 heures, heure de Paris.
Pouls. Depuis septembre, on connaît déjà ses deux tailles (38 et 42 mm), ses déclinaisons en six matériaux, six bracelets et onze cadrans différents, et son prix d'entrée : 349 dollars (322 euros) tout de même. Ce qu'on ne sait pas encore, c'est ce qu'on va pouvoir en faire. A ce stade, la montre doit évidemment permettre de lire l'heure, mais aussi de voir le temps qu'il fait, d'utiliser la géolocalisation, d'envoyer des messages ou de régler des achats avec Apple Pay, dont la vulnérabilité à la fraude a récemment été exposée (lire Libération de samedi-dimanche). Bref, de faire tout ce qu'un smartphone fait déjà : l'Apple Watch est pensée comme une extension main libre de l'iPhone. Tim Cook a aussi évoqué la possibilité de faire son check-in à l'hôtel. Mais c'est surtout dans les domaines du bien-être et de la santé que l'Apple Watch est attendue : il s'agit d'occuper le terrain émergent du quantified self, ce «soi quantifié» qui fait de l'utilisateur un corps connecté sous monitorage permanent. Les fonctions de base prévoient déjà que le porteur puisse prendre son pouls, compter ses calories brûlées ou programmer sa gym. Autant de données (très) personnelles qui peuvent donner lieu à une multitude d'applications, et dont le devenir fait, en France, phosphorer la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
La promesse de porter à son poignet le gendarme de ses kilos en trop suffira-t-elle à assurer les ventes de ce nouveau joujou au-delà des inconditionnels de la marque ? D'après le Wall Street Journal, Apple aurait déjà prévu la production de 5 à 6 millions d'exemplaires pour le premier trimestre. D'après le cabinet d'études Strategy Analytics, la firme de Cupertino (Californie) peut espérer vendre 15 millions de montres en 2015, et se tailler la part du lion sur un marché où la concurrence (Samsung, LG, Sony, Motorola et désormais Huawei) n'a pas encore fait exploser les compteurs.
Génie marketing. Reste que jusqu'ici, l'entreprise californienne est restée plus que discrète sur l'autonomie de son nouveau produit. D'après le site spécialisé 9to5Mac, l'utilisateur pourra espérer à peine une journée de fonctionnement - et cinq heures seulement en usage intensif. Sauf à se mettre en mode «économie d'énergie», qui, d'après le New York Times, devrait tout désactiver hormis l'affichage de l'heure… Autant dire qu'il va falloir une bonne dose de génie marketing pour réussir à justifier le prix de la chose : jusqu'à 5 000 dollars (environ 4 600 euros) pour les modèles les plus luxueux (une version bling-bling en or 18 carats est prévue), selon certains analystes.
Outre l’Apple Watch, Tim Cook pourrait présenter un nouveau MacBook - évidemment plus fin et plus léger que ses prédécesseurs -, voire un iPhone mini. L’iPad géant, lui, attendra encore. Quant à savoir si Apple réussira à vendre sa montre connectée au-delà des joggeurs compulsifs ou des fashionistas, verdict au mois d’avril, lors du lancement commercial.