Comment renouer rapidement avec la croissance dans un secteur des télécoms où les prix ont été pratiquement divisés par deux en trois ans ? Vous avez deux heures. Cette équation périlleuse et à plusieurs inconnues, c'était le sujet du grand oral de Stéphane Richard, le PDG de l'opérateur historique Orange, qui planchait mardi matin en compagnie de son nouveau directeur financier et ex-patron du Trésor, Ramon Fernandez, devant un parterre d'analystes réunis au Grand Palais. Très attendue, cette présentation d'un plan stratégique pour les cinq prochaines d'années devait rassurer les investisseurs et prouver la viabilité économique d'un modèle éprouvé ces dernières années par l'arrivée du trublion Free et une impitoyable guerre des prix. Premier verdict de la bourse ? Un recul de 2% du cours de l'action. Décryptage d'une stratégie (trop ?) prudente centrée sur les «essentiels» et censée faire d'Orange un opérateur à la fois plus riche, plus rentable et plus haut de gamme d'ici à 2018.
D’où part Orange ?
Lors de la récente présentation des résultats 2014, Stéphane Richard avait vanté une «très bonne année, avec une solide performance commerciale et des chiffres spectaculaires». Une affirmation pour le moins optimiste à propos d'une entreprise dont le chiffre d'affaires (-2,5%), le résultat net (-42%) et la marge (-2,5%) continuent de reculer. Mais la bonne nouvelle sur laquelle insiste le PDG d'Orange tient à un début de «stabilisation» de cette spirale baissière grâce à la politique de réduction des coûts. En 2014, elle aura compensé pour plus de deux tiers la baisse des ventes avec un plan de 3 milliards d'euros d'économies que l'opérateur est parvenu à boucler avec un an d'avance.
Pour inverser la tendance et renouer avec une croissance du chiffre d'affaires et du bénéfice, Orange va poursuivre cette chasse aux dépenses. D'ici à 2020, 3 milliards d'économies supplémentaires sont prévus. Si l'opérateur qui emploie 100 000 salariés en France entend embaucher 1 900 nouveaux collaborateurs en 2015 et 2016, il compte surtout sur 25 000 départs à la retraite d'ici à 2020 qui ne seront pas tous remplacés, loin de là. «Cette baisse des coûts, ce sera notre obsession, que personne n'en doute», a affirmé Richard qui compte notamment sur une relation client de plus en plus «digitalisée» pour faire des économies. Un redressement qui comporte néanmoins un volet social, avec l'engagement de passer de 5 à 10% la part de l'actionnariat salarié «à terme».
Comment se différencier de la concurrence ?
Dans un marché de plus en plus segmenté, Orange parie sur l'amélioration et la montée en gamme de son réseau, le premier de France, pour rebondir et offrir une «expérience incomparable» à ses 244 millions de clients dans le monde. D'où les 15 milliards d'euros d'investissements annoncés d'ici à 2018 afin de faire face à une multiplication par trois du trafic de données sur ses réseaux. «Dans un monde où tout passera demain par Internet, le niveau d'exigence de nos clients ne va cesser de monter», explique Stéphane Richard, qui promet 100% de couverture 4G dans les TGV en 2018. 4,5 milliards d'euros vont être investis dans la fibre optique, dont le nombre de nouveaux clients chez Orange est désormais supérieur à celui de l'ADSL. Très ambitieux, l'objectif est d'atteindre 12 millions de logements raccordables au très haut débit en 2018 et 20 millions en 2022… contre 3,6 aujourd'hui.
Pour le mobile, Orange va mobiliser 5 milliards d'euros afin de parvenir à une couverture de 95% en 4G en 2018. Des investissements qui vont peser sur les résultats mais qui doivent permettre d'augmenter l'«Arpu», la recette moyenne générée par abonné, dans le jargon des opérateurs de télécoms. «L'offre en très haut débit fixe et mobile est la clé pour recruter de nouveaux clients et les fidéliser, explique Ramon Fernandez. Elle doit aussi nous permettre d'augmenter l'Arpu de ces abonnés de 5 euros en 2015 et 7 euros en2017.» Selon l'opérateur qui parie sur un «modèle de valeur», les revenus liés à la consommation de contenus en ligne comme la vidéo à la demande ont cru de 50% en 2014.
Quelle diversification pour renouer avec la croissance ?
Dans une conférence intitulée «Essentiels 2020», il ne fallait pas s’attendre à beaucoup d’audace de la part d’un l’opérateur qui reste lesté d’une dette - en baisse - de 26 milliards d’euros pour 39 milliards de chiffre d’affaires. Outre l’indispensable amélioration des réseaux, Orange se limite donc à deux relais de croissance sur des marchés où il estime avoir un avantage concurrentiel : les objets connectés dont il compte faciliter la mise en réseau et accélérer la commercialisation dans des «megastores» revus et corrigés (600 millions d’euros d’ici à 2018) d’une part ; les services financiers en ligne de l’autre, qu’il déploie déjà avec succès en Afrique avec Orange Money et qu’il vient de lancer en Pologne (400 millions de chiffre d’affaires en 2018). Une activité de services bancaires qu’Orange compte bientôt étendre à l’Espagne et à la France, et qui devrait générer encore 2 euros d’Arpu supplémentaire par abonné. Une nouvelle box est enfin prévue pour 2016, qui sera présentée en octobre.