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Focus

Netflix : la douche France

Décriée pour son optimisation fiscale et son offre maigrichonne, la sauce ne prend pas.
L'interface de Netflix. (DR)
publié le 23 mars 2015 à 20h16

Il y a un an, le producteur français Vincent Maraval, cofondateur de Wild Bunch, s'inquiétait non pas de l'arrivée de Netflix en France, mais qu'il puisse opérer son service depuis l'étranger. «Je ne suis pas contre le fait que Netflix s'installe en France, mais pas depuis le Luxembourg et pas sans règle», expliquait-il. Aurélie Filippetti, alors en poste à la Culture, avait tenté de le rassurer en affirmant : «Netflix devra se plier aux régulations.»

Le siège européen de Netflix n'a finalement pas atterri au Luxembourg, mais à Amsterdam. De quoi échapper à l'impôt sur les sociétés et aux obligations en termes de production. Un contournement qui remet «dangereusement en cause» le financement de la création, déclarait il y a quelques jours au Parisien sa successeure rue de Valois, Fleur Pellerin, selon laquelle ce «sujet majeur» n'a pas été appréhendé à temps.

Fanfare. De fait, Netflix ne participe pas au financement du CNC, échappe au contrôle du CSA et à l'obligation imposée aux services de VOD de diffuser un quota d'œuvres françaises et européennes (60% du catalogue). Et son offre en France reste pauvre : 3 000 titres à peine, moins du tiers du catalogue américain. Malgré quelques curiosités et la mise en chantier de Marseille, sa future série 100% française annoncée avant la fin 2015 et dont le budget avoisinerait les 8 millions d'euros, Netflix y propose, comme dans le reste du monde, 80% à 85% de productions hollywoodiennes. Des films de deux à trois ans d'ancienneté, chronologie des médias oblige.

Rien d'étonnant donc à ce que sa progression dans l'Hexagone depuis son lancement en fanfare, en septembre, ne ressemble pas au raz-de-marée annoncé par certains. Si Netflix ne communique aucun chiffre tout en s'affirmant très satisfait de ses débuts français, le New York Times avançait néanmoins dans une récente enquête plus de 500 000 abonnés. Selon une étude de l'institut Digital TV Research, Netflix y aurait séduit «entre 200 000 et 250 000» foyers, mais une grande partie des curieux ne confirmerait pas son abonnement après le premier mois, gratuit.

La plateforme mise également sur sa présence sur plusieurs box d’opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Telecom) afin d’étoffer le nombre de ses abonnés. Reste que l’ambition de séduire un ménage sur trois en France à une échéance de cinq à dix ans, revendiquée par son patron, Reed Hastings, sera difficile, pour ne pas dire impossible à tenir.

Niches. La concurrence s'en démarque de plusieurs façons. CanalPlay, la filiale VOD et SVOD (vidéo à la demande sur abonnement) de Canal +, n'a pas attendu pour booster son offre. Grâce notamment à sa profondeur de catalogue, elle comptait 600 000 abonnés fin décembre. Elle a également eu la bonne idée d'acheter les droits de diffusion pour la France de House of Cards, le fleuron de Netflix.

Les plus petits et nouveaux arrivés (Mubi, Jook, Wuaki TV, Filmo TV) se concentrent, eux, sur des niches : films d'auteurs, cinémas d'ailleurs, etc. Même Arte s'est mise à la VOD, en partenariat avec Univerciné, dont Artevod propose le catalogue en ligne. Interrogé par Libération, Alain Rocca, le PDG d'Univerciné, voit dans Netflix un «algorithme de l'enfermement qui isole le spectateur dans ses gouts. Dans une démarche inverse, on essaye de vous ouvrir à quelque chose que vous ne connaîtriez pas».