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Libération
Reportage

A la Maison ronde, «il faut trouver comment sortir de là»

Radio France, la grève et après ?dossier
Alors que les négociations s’enlisent, les salariés de Radio France, qui ont décidé lundi de reconduire la grève, veulent expliquer aux auditeurs leur mobilisation.
Les salariés des antennes de Radio France sont en grève depuis le 19 mars. Ici, après une assemblée générale à la Maison de la radio, le 20 mars. (Photo Bruno Charoy)
publié le 30 mars 2015 à 20h06

Le studio 105 est comble, mais ce n'est pas pour une de ces émissions «en direct et en public» dont Radio France est coutumière. Pour la deuxième fois de la journée, les salariés mobilisés de la Maison ronde se retrouvent en assemblée générale, à l'issue d'une nouvelle séance de négociations avec des représentants de la direction. «On a beau faire le tour, il n'y a aucune avancée», assène un syndicaliste. «Depuis vendredi, ils ne négocient plus, ils font semblant, lâche une autre. Ils sont en train de tout bloquer, il faut changer d'interlocuteur.»

Chantier. Ce lundi, les antennes du service public radiophonique ont vécu leur douzième journée de grève, et la treizième a été votée en assemblée générale. Situation paradoxale d'un mouvement qui dure et semble s'enraciner - plus de la moitié des matinales du réseau France Bleu ont été annulées, indiquait en fin de matinée un journaliste - alors même que son issue paraît plus problématique que jamais. Les points de fixation, nombreux, ont fait l'objet de quatre préavis de grève différents, lancés par cinq syndicats - CFDT, CGT, FO, Unsa et SUD -, mais sans le Syndicat national des journalistes, qui a jugé le mouvement prématuré. Ces préavis concernent aussi bien le maintien des effectifs des services d'accueil et de sécurité que la survie des deux orchestres de Radio France, en passant par la réforme des modes de production des émissions et le «retour à l'intégralité des programmes locaux dans le réseau Bleu».

Au-delà des mots d’ordre, l’annonce, la semaine dernière, d’un possible plan de départs volontaires, qui pourrait concerner jusqu’à 300 salariés, cristallise les inquiétudes, dans un contexte de baisse de la dotation de l’Etat - moins 87 millions d’euros en trois ans -, et alors que les travaux du colossal chantier de rénovation de la Maison de la radio ont explosé : la facture, initialement évaluée à 172 millions, devrait dépasser le demi-milliard.

La situation est d'autant plus complexe que la direction de Radio France négocie actuellement avec l'Etat le futur contrat d'objectifs et de moyens (COM), qui fixe le cadre budgétaire pour les années à venir, et dont les contours devraient être connus à la mi-avril. Or, «tant que le COM n'est pas décidé, la direction refuse d'en dire plus sur les orchestres», indique Guillaume Baldy, chargé de réalisation et militant Unsa. Si les relations entre le PDG, Mathieu Gallet, et Fleur Pellerin, la ministre de la Culture, sont glaciales - le premier, convoqué la semaine dernière rue de Valois, a encore une dizaine de jours pour présenter à la seconde des propositions, jugées insuffisantes en l'état -, cette dernière n'a, pour l'instant, pas voulu accéder à la demande de l'intersyndicale de nommer un médiateur.

Tutelle. «On est dans une position difficile, reconnaît Guillaume Baldy. Pour nous, il est hors de question de valider la syndication des émissions sur le réseau France Bleu ou l'abandon d'un des orchestres. Or, on sent que c'est figé.» En assemblée générale, ont été évoquées une manifestation devant l'Assemblée nationale et, surtout, une possible alternative à présenter à la tutelle, basée sur l'un des projets présentés au CSA lors du renouvellement de la présidence de Radio France, et sur lequel un groupe de salariés souhaite retravailler.

En attendant, les salariés mobilisés cherchent aussi à se tourner vers l'extérieur. Après la publication d'une tribune commune, les producteurs de France Inter, France Culture et France Musique ont créé vendredi une structure commune transversale, la Société des producteurs et associés de Radio France (Sparf). Lundi soir, elle enregistrait une émission d'une heure pour expliquer les raisons du conflit, coprésentée par Marie Richeux (France Culture), Mathieu Vidard (France Inter) et Alex Dutilh (France Musique) qui, faute d'avoir été acceptée par les directions des antennes, sera disponible en ligne. D'autres propositions circulent, comme l'organisation d'une «soirée de rencontre avec les auditeurs».

«Peut-être qu'il va falloir avoir des actions plus musclées, plus toniques, plaidait en assemblée générale Aline Pailler, productrice à France Culture et représentante de la CGT. Surtout, il faut trouver comment sortir de là.» Suivie par un technicien : «Ils nous ont emmenés dans le mur, à nous de montrer qu'on est meilleurs qu'eux.»