«On connaissait déjà le titre : "Radio France, un modèle à reconstruire." De la part de magistrats de la Cour des comptes, on ne s'attendait pas à une vision très artistique», commente Philippe Ballet, responsable de l'Unsa Radio France. Attendu ces prochains jours, le rapport consacré à la radio publique a été partiellement dévoilé mardi par les Echos, avant de faire l'objet d'un communiqué en fin de journée. Il doit être publié ce mercredi. La haute juridiction financière y préconise rien de moins qu'une double fusion : celle des deux orchestres, le Philharmonique et l'Orchestre national de France, et celle des rédactions de France Inter, France Info et France Culture.
Préavis. Des informations qui tombent alors que Radio France entame son quatorzième jour de grève. Mardi, les salariés mobilisés ont manifesté devant l'Assemblée nationale, avant une nouvelle séance de négociations avec la direction. Si cette dernière annonce un faible nombre de grévistes (7,2% de l'effectif global lundi), dans les faits, les antennes sont très perturbées. Et les inquiétudes traversent toute la Maison ronde, au moment où se négocie avec l'Etat le contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui fixe le cadre budgétaire de la radio publique. Jusqu'ici absent d'une grève dont il estime les mots d'ordre trop catégoriels, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a déposé un préavis pour vendredi, en défense de l'emploi menacé.
De son côté, le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, a été sommé la semaine dernière par la ministre de la Culture d'affiner ses propositions. Il doit présenter la note stratégique qu'il adressera au CSA et au gouvernement lors d'un comité central d'entreprise extraordinaire, «dans les tout prochains jours».
La fusion des deux orchestres recommandée par la Cour des comptes a, de fait, déjà été évoquée par la direction. «C'est scandaleux de s'attaquer à ça avec une vision purement gestionnaire, s'énerve Philippe Ballet. Maintenir l'identité d'un orchestre, ça prend des années.» L'hypothèse d'un transfert de l'Orchestre national de France au Théâtre des Champs-Elysées est aussi envisagée, le tout étant suspendu à la signature du COM. Il n'a, en revanche, jamais été question de fusionner les rédactions. Dans un message envoyé mardi aux salariés de la Maison de la radio, Mathieu Gallet a indiqué que cette hypothèse «ne correspond pas à [sa] vision du pluralisme de l'information et de la complémentarité des antennes».
La déclaration ne rassure qu'à moitié Valeria Emanuele, secrétaire nationale du SNJ Radio France, qui signale que la fusion des services des sports de France Inter et France Info est en cours, et celle des services culture, clairement envisagée. Pour elle, la proposition de la Cour des comptes est «suicidaire : les pics d'audience des chaînes se font sur l'information. Et nous sommes le seul média où les journalistes travaillent déjà, volontairement, pour différentes chaînes».
Tutelle. «Les trois quarts du temps, les gens ne tiennent pas compte des préconisations de la Cour des comptes», se rassure Jean-Eric Ziolkowski à la CFDT. De fait, la tutelle pourrait y être moins attentive qu'aux dernières révélations du Canard enchaîné à propos des frais engagés par Mathieu Gallet lorsqu'il dirigeait l'Institut national de l'audiovisuel (125 000 euros pour la rénovation de ses bureaux, un million pour des frais de conseil). Dans l'entourage de François Hollande, on glisse que «si les résultats de l'enquête de l'inspection générale des finances sont négatifs, la tutelle n'aura pas d'autre choix que d'exprimer son manque de confiance». A l'Elysée, certains prévoient que le PDG ne tiendra pas longtemps.