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Libération

Le crépuscule du Midas espagnol

publié le 17 avril 2015 à 19h46

Plus qu'une chute, c'est une disgrâce. Le seul Espagnol à avoir dirigé le Fonds monétaire international, celui qui, sous le règne de José María Aznar (1996-2004), était considéré comme le gourou économique et le supposé «meilleur financier du pays» (dixit le grand banquier Emilio Botín), est désormais un homme aux abois, vilipendé par les médias et par toute la sphère politique, «son» Parti populaire (PP) compris. Jeudi, Rodrigo Rato, 66 ans, a été interpellé pour fraude et blanchiment de capitaux. De source judiciaire, il aurait notamment tenté de régulariser sa fortune, «obtenue dans des conditions suspectes», en profitant de l'amnistie fiscale du gouvernement conservateur en 2013.

Rato, actuellement en «liberté surveillée», pourrait bien aller en prison «dans les jours ou les semaines à venir». Même le porte-parole du PP, dont il fut jadis le vice-président, s'est dit «honteux de voir qu'une personne aussi importante puisse être impliquée dans une affaire d'une telle gravité». D'après le célèbre journaliste Pedro J. Ramírez, qui le connaît bien, cet homme affable et élégant «avait perdu la mesure des choses, le contact avec la réalité». Pendant les «Dix Glorieuses» du PP, Rato était présenté «comme une sorte de roi Midas de l'économie», selon l'expression de l'analyste Ernesto Ekaizer.

En 2004, il est nommé à la tête du FMI ; trois ans plus tard, sans explications, il cède son poste à Dominique Strauss-Kahn. «A partir de ce moment-là, dit Ekaizer, il ne pense qu'à amasser beaucoup d'argent.» Il intégrera les conseils d'administration de la banque d'affaires Lazard (8 millions d'euros en trois ans), de l'opérateur Telefonica, de la banque Santander, etc. Avant de prendre les rênes de Bankia, la principale caisse d'épargne du pays, groggy après le krach immobilier de 2008. Sous le règne de Rato, l'entité sera accusée d'escroquerie auprès de 350 000 actionnaires. En 2012, la justice le met en examen : on l'accuse d'avoir autorisé l'usage de «cartes noires», des cartes de crédit de la caisse d'épargne sur lesquelles les dirigeants pouvaient se servir sans limite ni surveillance. Aujourd'hui, les chefs d'accusations sont bien plus graves. A un mois des régionales, le scandale Rato salit le prestige de son parti, déjà impliqué dans diverses affaires de corruption.