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Rafale: au tour du Qatar

L'émirat va acheter 24 avions de combats «sur étagère», c'est-à-dire construits en France. Un contrat qui succède à ceux conclus avec l'Egypte et l'Inde.
Un pilote français descend de son Rafale sur la base d'Al-Dhafra, aux Emirats arabes unis, le 19 octobre 2014. Photo transmise par l'armée française. (Photo handout. AFP)
publié le 30 avril 2015 à 13h10

S'il n'y avait ces soupçons de viols d'enfants en Centrafrique par des militaires de l'opération Sangaris, affaire sur laquelle une enquête est en cours, les milieux de la défense française auraient de quoi pavoiser cette semaine. Non seulement Jean-Yves Le Drian a obtenu une rallonge de 3,8 milliards d'euros sur quatre ans pour boucler son budget, emportant son bras de fer avec son homologue des Finances, mais Dassault s'apprête à conclure son troisième contrat à l'export en trois mois pour le Rafale, après ceux passés avec l'Egypte et l'Inde. Lundi, François Hollande et Jean-Yves Le Drian seront à Doha, capitale du Qatar, pour assister à la signature, par le patron de Dassault Aviation, d'un contrat de 6,3 milliards d'euros pour l'acquisition de 24 avions de combat armés. Une bonne nouvelle pour le plan de charge des divers industriels de l'armement concernés, mais une très mauvaise pour le niveau de tension dans une région déjà considérée comme une poudrière.

Ce contrat n'est pas véritablement une surprise. Le Qatar est un partenaire ancien de la France dans la zone, un des premiers pays avec lequel Paris a conclu un accord de défense et auquel il a déjà vendu 12 Mirage 2000-5, une version améliorée du Mirage 2000. Selon le ministère de la Défense, les négociations entre Paris et Doha ont démarré le 22 août 2012 à l'occasion de la première visite au Qatar de Jean-Yves Le Drian. Une visite destinée à fixer le cadre du dialogue stratégique entre les deux pays. Le 10 février 2013, le prince héritier Al-Thani aurait évoqué pour la première fois directement le Rafale avec Le Drian et lancé les négociations «techniques». Le 24 février 2014, devenu émir, Al-Thani aurait adressé ce message au ministre français de la Défense : «Mon père a promis d'acquérir cet avion, je l'achèterai.» Après plusieurs mois de négociation, l'accord final aurait été donné le 21 avril par l'émir. Il est probable que la décision de l'Egypte d'acheter des Rafale, en février, ait accéléré le contrat qatari. Les relations sont en effet tendues entre les deux pays, le Qatar reprochant au maréchal Al-Sissi le sort qu'il réserve aux frères musulmans.

Concrètement, le contrat qatari ressemble d'ailleurs beaucoup au contrat égyptien. Les 24 Rafale seront achetés «sur étagère», c'est-à-dire déjà construits, en France, par Dassault et ses sous-traitants. L'accord comprend la livraison de missiles et la formation de pilotes qataris par l'armée de l'air française ainsi que la formation d'une centaine de mécaniciens et d'officiers de renseignement. Dassault se dit capable d'effectuer sa première livraison en 2017.

Il est clair que la vente de Rafale à l’export est un soulagement pour le ministère de la Défense qui ne parvenait plus à financer, seul, la production et l’achat de cet appareil ultra-sophistiqué et coûteux. Et il est probable que ces trois contrats en entraîneront d’autres, les différents pays du Moyen-Orient ne pouvant se permettre, dans le contexte de tension actuel, de voir sans réagir un de leurs voisins moderniser ses équipements militaires. Difficile de s’en réjouir.