En 2014, le rachat d’actions dans les entreprises du CAC 40 a plus que doublé, atteignant les 10 milliards d’euros. A quoi obéit ce mécanisme qui séduit à ce point les gros groupes français, et encore plus les multinationales américaines, et pour quel effet ?
Un procédé complexe
Quand une entreprise cotée en Bourse rachète ses actions en circulation sur le marché, elle agit sur son propre capital. En France, l’opération est légale depuis 1998 et encadrée par la directive européenne «abus de marché» datant de 2003. Le rachat ne peut pas être effectué sur plus de dix-huit mois. Il ne doit pas représenter plus de 10% du capital de l’entreprise et plus de 25% du volume moyen échangé chaque jour sur le titre. Pour qu’il puisse avoir lieu, l’entreprise doit s’assurer l’accord de ses actionnaires, réunis en assemblée générale extraordinaire. Gardien de la Bourse, l’Autorité des marchés financiers (AMF) doit également délivrer un visa à la société pour que la procédure soit validée.
Deux techniques
Pour remettre la main sur ses titres, une entreprise peut passer par un programme de rachat d’actions. Dans ce cas, elle ira directement chercher ses titres sur le marché via un intermédiaire, le plus souvent une banque. Quand la société n’a pas d’opportunité particulière, elle rachète ses actions progressivement, «au fil de l’eau». Mais s’il y a dans ses rangs un gros poisson propriétaire de beaucoup d’actions, elle préférera engager des négociations avec lui en vue de «racheter en bloc» tous ses titres. L’autre méthode, plus ouverte, consiste à lancer une offre publique de rachat d’actions (Opra). Adressée aux actionnaires de la société, elle permet aux volontaires de mettre en vente leurs titres à un prix fixe généralement supérieur au cours actuel. Après une opération de rachat, les actions récupérées sont le plus souvent détruites et donc extraites du «flottant» - la part du capital échangeable sur le marché.
Etre le roi de la négo
Une entreprise peut décider de racheter ses actions afin d’être en bonne position pour prendre le contrôle d’une entreprise extérieure. Parfois, l’acquisition d’une société se négocie et se paie en titres. C’est ce qu’on appelle une offre publique d’échange (OPE). Avoir un maximum de titres permet à l’entreprise en chasse d’être en bonne position dans la négociation avec sa cible.
Contrôler ou flatter l’actionnaire
Racheter ses titres est une manière de reprendre la main sur son capital lorsque celui-ci s’est trouvé dilué à la suite d’un plan de participation ou d’un programme de stock-options. C’est aussi une technique utilisée pour flatter et motiver les actionnaires. Dans ce cas, les titres rachetés ne sont pas annulés mais gracieusement distribués aux actionnaires par une opération d’attribution d’actions gratuites.
Avoir le marché à la bonne…
En règle générale, le rachat d’actions est bien vu par le marché : il permet de valoriser le cours boursier de la société. Après un rachat, le nombre de titres en circulation sur le marché baisse et le bénéfice net par action - BPA dans le jargon boursier - augmente mécaniquement. Cet indicateur est pris en compte par les analystes dans leur évaluation des performances financières de la société. Pas étonnant donc que le rachat d’actions soit souvent pratiqué par une entreprise lorsque le cours de son action est au plus bas, dans le but de reconquérir le cœur des investisseurs.
…ou pas
Seulement, le marché ne voit pas toujours d’un œil bienveillant le rachat de titres. Quand une entreprise utilise son excédent de trésorerie - c’est-à-dire son argent disponible - pour racheter ses titres, elle investit moins. Un choix qui peut effrayer les investisseurs pour qui la croissance dépend de l’investissement.