Menu
Libération
Récit

En Écosse, l’indépendance énergétique passe par le vert

Élections au Royaume-Unidossier
Edimbourg veut diversifier ses ressources en électricité. Les partisans de l’union argumentent, eux, sur l’importance de la manne pétrolière.
Des éoliennes à proximité du château de Stirling, au nord de Glasgow, en décembre. (Photo Russell Cheyne. Reuters)
publié le 6 mai 2015 à 20h06

Jeudi dernier, l'Eglise d'Angleterre, qui boursicote pieusement mais sûrement, s'est fendue d'un communiqué annonçant sa décision de vendre pour 12 millions de livres (16,1 millions d'euros) de placements dans des compagnies exploitant le charbon et les sables bitumineux. Un effet de la chute des cours du pétrole ? Non, une décision «éthique» prise au vu du dérèglement climatique, pour amorcer une «transition vers une économie à bas carbone».

Pour ses besoins en énergie, Le Royaume-Uni est toutefois loin d’avoir excommunié les hydrocarbures. Il est l’un des seuls pays européens où l’on explore le gaz de schiste, où la houille reste très sollicitée, et où l’on pompe encore du pétrole et du gaz conventionnel. En l’occurrence, dans les eaux écossaises de la mer du Nord.

Toasts. C'est là une caractéristique forte du paysage énergétique britannique. Si l'on excepte le nucléaire, que Londres a relancé en commandant deux réacteurs EPR à Areva pour la centrale d'Hinkley Point, l'essentiel de ce qu'un Anglais ou un Gallois brûle pour se chauffer, rouler et dorer ses toasts vient d'Ecosse. Le pétrole et le gaz, donc, mais aussi parmi les plus prometteuses des renouvelables : les énergies marines. La question de cette dépendance énergétique à l'Ecosse était déjà un enjeu lors du référendum du 18 septembre, qui a douché les espoirs des indépendantistes désireux de garder à Edimbourg les royalties pétrolières. Car pour leurs opposants, le maintien au sein de la Couronne est un moyen de partager les frais pour déployer un parc de centrales propres en mer et le réseau électrique qui va avec.

Eolien, hydrolien et houlomotricité constituent la Sainte-Trinité des énergies marines renouvelables, et toutes ont comme terrain de jeux les eaux écossaises. Pour une raison simple : c'est au nord de l'île que l'Atlantique et la mer du Nord se rencontrent, créant vents, vagues et courants. Hors éolien, «le gisement hydrolien et houlomoteur est de nature à couvrir 20% de la consommation électrique nationale», dont la puissance représenterait 18 à 30 réacteurs EPR, martèle Londres dans sa feuille de route pour 2050. Étape importante sur cette trajectoire : 2020, avec 15% de renouvelables dans le mix énergétique total, trois fois plus qu'en 2012. Un détail en dit long : là où Londres décrète 15%, Edimbourg décrète 30%. De plus, 100% du mix électrique écossais devra être vert, en 2020, contre un peu moins de la moitié aujourd'hui. L'Ecosse en a donc sous le kilt ! «Nous sommes la nation la mieux dotée en énergie par tête en Europe», aime dire Fergus Ewing, le ministre écossais de l'Energie, qui vient d'octroyer une enveloppe de 14,3 millions de livres à la filière houlomotrice. «Il faut aussi compter avec l'Irlande, le Pays de Galles et les Cornouailles, nuance Jérôme Cuny, un Frenchy expert des études météo océaniques, qui a fondé la start-up Open Ocean. Et les Ecossais commencent à jalouser les Français, qui rachètent la technologie (Alstom, DCNS) et fédèrent l'effort de R&D derrière les mastodontes EDF et GDF, alors qu'outre-Manche, les acteurs sont plus émiettés.» Mais c'est bien en eaux écossaises que tout ce beau monde teste ses machines.

Spot. En l'occurrence, dans un centre appelé Emec, aux îles Orcades ( Libération du 21 octobre 2013). A l'image du britannique Atlantis, qui a repris l'activité hydrolienne de Siemens, les fabricants qui s'y ébattent connaissent des fortunes diverses, mais la réputation du spot est faite. Seul hic : comme les machines gagnent en puissance, le câble évacuant le courant vers la Grande-Bretagne devient trop petit. Un nouveau raccordement est en projet, et il faut déjà préparer l'étape suivante : la production avec stockage tampon, sur batteries ou sous forme d'hydrogène, afin de n'exporter du courant sur le réseau qu'en période de forte demande. Enfin, un éventuel Yes au «Brexit» ne ferait pas les affaires de l'Emec. Car Bruxelles compte parmi ses bailleurs de fonds.