Il y a quinze ans, elle concernait surtout quelques altruistes en quête d’expériences responsables et partagées. Aujourd’hui, l’économie collaborative est entrée dans les mœurs. Si certains continuent d’y voir une alternative au système capitaliste classique, la majorité de ses usagers a vite saisi comment s’en emparer pour arrondir ses fins de mois.
Selon un sondage réalisé en octobre dernier par 60 millions de consommateurs sur les nouveaux modes de consommation des Français, l’amélioration du pouvoir d’achat est d’ailleurs la principale motivation de la fréquentation de ces plates-formes d’échanges entre particuliers, citée en premier par 78% des personnes interrogées, devant le plaisir (64%) et les raisons idéologiques (43%). Location de logements entre particuliers, covoiturage, paniers légumes responsables… On connaît. Mais au sein de la nébuleuse des start-up branchées écopartage, des entrepreneurs ont été plus loin en customisant à leur manière trois grands classiques de la «sharing economy».
L’Uber des objets
Paul vit à Paris et voudrait acheter une paire de chaussures qui n'est vendue qu'à New York. Mais Paul ne voyage pas, contrairement à Laura, qui prend un vol New-York-Paris la semaine suivante. Deal. Laura achètera les chaussures de Paul et le retrouvera à Paris pour les lui remettre. Le covoiturage, sans la voiture, et adapté aux marchandises. Le concept est développé fin 2013 par Worldcraze et Globshop, deux start-up françaises.
Comme sur Uber et les sites de covoiturage classiques, les entreprises récupèrent une commission sur chaque transaction. Le voyageur-transporteur est quant à lui rémunéré en fonction du prix d'achat du produit qu'il transportera. Un système de livraison international qui permet aux utilisateurs de se procurer des produits introuvables en France sans bouger du canapé. Mais aussi d'acheter moins cher ailleurs. A condition que le site trouve l'inconnu idéal basé dans la ville de provenance du produit commandé et voyageant vers le lieu de résidence du client. «Le délai d'attente est d'en moyenne dix à quinze jours», affirme Frédéric Simons, cofondateur de Worldcraze.
La nouvelle alternative collaborative séduit, à en croire la centaine de commandes hedbomadaires réalisée via le site Globshop. Fin 2015, la start-up lancera une première levée de fonds. En attendant, elle a conclu son premier partenariat le mois dernier avec la fromagerie parisienne Beaufils. Pour la petite entreprise, c’est un moyen d’exporter à moindre coût. Pour la plateforme de particulier à particulier, un moyen de se diversifier en ouvrant son offre aux professionnels. Le site réfléchit actuellement à développer d’autres partenariats avec des entreprises.
Airbnb version soirée
Louer en un clic le logement d'un particulier le temps d'une soirée. C'est le système développé par SnapEvent, un site français créé par deux anciens de HEC, Maud Arditti et Olivier Levy. Atelier d'artiste, salle de danse, studio photo, loft, salon de coiffure, péniche, cave ou encore rooftop… Plus de 400 lieux de particuliers sont proposés en Ile-de-France, pour des prix allant de 180 euros à plus de 7 000 euros la soirée. Comme Airbnb, site de location de logements entre particuliers, SnapEvent permet aux bailleurs d'arrondir leurs fins de mois et aux locataires d'établir leurs quartiers chez un particulier. Seule différence : sur SnapEvent, on ne reste qu'une soirée, le temps d'un événement professionnel ou privé.
L’Airbnb de la soirée commence doucement à se faire une réputation. Depuis son lancement en juillet dernier, 80 transactions ont été effectuées, dont une vingtaine au mois de mars. Après avoir récolté 300 000 euros à l’occasion d’une levée de fonds en novembre dernier, les deux entrepreneurs de 26 et 28 ans annoncent qu’ils proposeront leurs services à Lyon d’ici la fin du mois de juillet. Et réfléchissent à mettre en place SnapEvent dans d’autres villes françaises et étrangères.
Culture en panier
Le circuit court n'est pas la chasse gardée du commerce alimentaire. Convaincue que la tendance locavore à produire et consommer local est applicable au domaine culturel, l'association nantaise AP3C invente le concept de paniers culturels en 2012. Le principe est celui de l'Amap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) et de ses fameux paniers de légumes. Trois fois par an, l'abonné reçoit un paquet contenant trois produits culturels. De la place de spectacle au livre en passant par le CD, pour un prix de 140 euros. Comme les légumes des Amap, les artistes du panier culture sont locaux et saisonniers.
Depuis, l'idée a été reprise par trois associations. Kilti, Ça va commencer et Mais pas que ont planté leurs paniers à Saint-Etienne, Strasbourg, Lille et Paris. «A chaque édition nous gagnons des abonnés. En 2012, nous vendions une vingtaine de paniers, aujourd'hui nous en distribuons soixante», affirme Yvona Pierrad de Kilti. A la fin de l'année, l'association déjà implantée à Lille et Paris s'installera à Amiens avec l'objectif de distribuer ses paniers dans tout le Nord de la France. Nouvel acteur de l'économie collaborative, l'Amap culturelle fait des petits. Le 1er avril dernier, c'était au tour de Toulouse d'accueillir les «épuisettes culturelles» de l'association Comme un poisson dans l'art.
«OuiShare Fest», jusqu'au vendredi 20 mai à Paris (dans la salle de spectacle Le Cabaret Sauvage, Paris XIXe).