C’est une petite tablette accrochée au mur de l’entrée. Un écran tactile grâce auquel Raffaella ouvre tous les jours les volets de son appartement, allume la lumière dans la chambre de ses enfants ou règle le chauffage dans ses pièces. Pendant des années, le fort d’Issy, sur les hauteurs de la ville d’Issy-les-Moulineaux dans les Hauts-de-Seine, a veillé sur Paris. En 2013, cette friche militaire a été convertie en écoquartier avec vue sur la capitale.
Son enceinte abrite désormais plusieurs bâtiments, 1620 logements, des commerces, des écoles…Tous labellisés BBC, «basse consommation». Derrière les fortifications qui ont été conservées, la collecte des déchets se fait par pneumatique. L'eau chaude et le chauffage sont produits par géothermie. Et des espaces verts aèrent l'ensemble des douze hectares. Mais le nouveau quartier est aussi, dixit ses concepteurs, une «forteresse numérique». Dans laquelle les logements sont tous équipés.
Au programme? Du très haut débit grâce à la fibre optique. Mais surtout de la domotique dans les appartements. Tous sont ainsi équipés de la même tablette pour régler l’éclairage ou la température, commander l’ouverture ou la fermeture des volets. L’ordinateur calcule également les consommations d’eau ou encore d’électricité en temps réel.
«C'est un petit plus, un confort agréable. C'est très intuitif aussi: mes enfants s'amusent à tout allumer!», dit Raffaella qui a plus été séduite par l'aspect «nouveau quartier dans un contexte historique» que par la domotique. Elle admet d'ailleurs ne pas en avoir «une utilisation optimale». Pourtant, elle connaît toutes les possibilités: «Mettre le chauffage à distance, télécharger une appli sur sa tablette ou son smartphone, élaborer des scénarios pour configurer l'allumage ou le chauffage des pièces, configurer un MP3 pour mettre de la musique». Mais elle ne les utilise pas. Tout comme sa voisine, Stéphanie, elle jette très rarement un coup d'oeil aux graphiques qui suivent l'évolution de sa consommation d'électricité et d'eau, l'un des outils pourtant les plus intéressants dans une maison connectée.
«Il aurait fallu organiser des sessions de formations», déplore Axel Pheng Ta, président de l'AVFI, l'association des voisins du Fort d'Issy et lui-même informaticien. «Quelques mois après la livraison des appartements et à la demande des résidents, des présentations ont été organisées par deux promoteurs sur cinq. D'autres ont juste rappelé qu'une notice d'utilisation avait été distribuée à chaque client. Tout le monde n'est pas habitué aux nouvelles technologies, cela nécessite un apprentissage. On subit ce que les constructeurs et leurs sous-traitants ne maîtrisent pas…»
«Il est normal que toutes les fonctionnalités de la domotique ne soient pas exploitées, comme c'est le cas sur un ordinateur», plaide Régis Bouyer, de Bouygues Immobilier, l'un des promoteurs. «La question de la connectivité n'est pas expérimentale et pas non plus un gadget mais elle est évolutive. Pour nous, le Fort d'Issy va servir à développer d'autres quartiers connectés de ce type.»
Quartier connecté oblige, le Fort d'Issy dispose d'un forum en ligne sur lequel les plus bidouilleurs donnent un coup de main aux novices à grand renfort de captures d'écran pour expliquer notamment comment rajouter de nouvelles fonctionnalités. Certains sont allés encore plus loin. Comme Gaetan Tripon, qui a développé une application gratuite destinée à enrichir la domotique des appartements du fort. «La tablette est fixe, alors, plutôt que de me planter devant l'écran ou de faire le tour des pièces, j'ai développé cette appli de commande à distance. Quand je dis à mon smartphone "Domotique ferme les volets", ça ferme réellement les volets de mon appartement, explique-t-il. C'est un peu geek mais j'ai enfin l'impression d'être entré dans le XXIe siècle…»
Et le prix dans tout ça? Régis Bouyer, de Bouygues Immobilier, assure que «la domotique représente entre 5 et 10% du coût de construction selon le type d’appartements». Comme les logements du Fort d’Issy, dans cette banlieue ouest assez cossue, se vendent à 7500 euros le mètre carré, les acheteurs ne sont peut-être pas à ça près.