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Libération
Décryptage

Impôt à la source : les gagnants (les retraités) et les perdants (les jeunes)

La plupart des Français paieront le même impôt l'année de transition. Les futurs retraités bénéficieront en revanche d'une fiscalité réduite avec un an d'avance.
La retenue à la source de l'impôt ne rendra pas forcément plus simple la déclaration d'impôt (Photo Denis Charlet. AFP)
publié le 17 juin 2015 à 15h51

Le basculement du système actuel d'imposition au prélèvement à la source, «un cadeau pour les revenus des salariés», comme l'affirme le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert? Depuis quelques jours, le gouvernement distille l'idée que sa réforme, confirmée ce mecredi matin en Conseil des ministres, constitue un bonus fiscal pour les revenus d'activité. Une affirmation en partie vraie. Mais pas pour tout le monde, et surtout pas tout de suite. L'Etat, quoiqu'il en soit, ne devrait pas y perdre, selon Marc Wolf, ancien haut fonctionnaire de l'administration fiscale, qui dénonce cependant l'impossibilité de basculer, en «une seule fois», dans le nouveau système.

Concrètement, le prélèvement à la source revient à payer son impôt en «temps réel». Les contribuables régleront ainsi leur dû au fisc sur les revenus de l’année en cours, et non plus, comme dans le système actuel, sur les revenus de l’année précédente. Il n’y aura donc plus de décalage d’un an comme aujourd'hui entre les revenus et le paiement de l’impôt. D’après le calendrier du gouvernement, les contribuables paieront en 2017 leur impôt sur les revenus de 2016, et en 2018 leur impôt sur les revenus de 2018. L’année 2017, que l’on appelle «année blanche», serait donc «offerte» aux Français. Pas si simple. Décryptage des gagnants et des perdants.

Les gagnants

Ceux qui ont une carrière linéaire. Pour le cas type d'une personne dont les revenus sont stables ou progressent très légèrement chaque année, la situation au moment de la bascule ne changera pas. Elle paiera sensiblement le même impôt en 2018 sur ses revenus de 2018 qu'elle aurait payé sur ses revenus de 2017. En revanche, lors de son passage à la retraite – moment où ses revenus vont chuter -, elle s'acquittera immédiatement d'un impôt réduit puisqu'il n'y aura plus ce décalage d'un an. En effet, avec le système actuel, le retraité doit encore régler, lors de sa première année comme retraité, une année plein pot sur ses revenus correspondant à sa dernière année d'activité. C'est donc à ce moment-là qu'elle récupèrera une partie de cette «année blanche». L'autre partie sera gagnée... par les héritiers. Alors que jusqu'à maintenant, ces derniers doivent régler le reliquat d'impôts de la personne décédée sur ses revenus de l'année précédente, et surtout l'impôt sur ses revenus de l'année du décès, ils n'auront désormais plus à le faire. En effet, au moment du décès, l'ensemble des impôts auront été réglés - en «temps réel»- par le cher disparu.

Ceux dont les revenus baissent. Ce sont surtout ceux dont les revenus vont chuter qui vont y «gagner». En effet, en 2018, le contribuable dont les ressources ont baissé va payer un impôt sur ces revenus-là, et non plus sur les revenus 2017, qui étaient plus importants. D'une manière générale, et pour les mêmes raisons, tous ceux dont les revenus vont baisser dans les années suivant la réforme seront gagnants.

Ceux qui peuvent optimiser. Sauf disposition particulière, les contribuables, surtout les indépendants, qui peuvent concentrer leurs revenus ou leurs pertes sur une année particulière, pourraient être les grands gagnants de la réforme. Ils auront en effet tout intérêt à faire figurer un maximum de revenus sur l'année 2017, qui ne sera pas imposée, et au contraire à concentrer leurs pertes sur 2018, première année d'application du prélèvement à la source.

Les perdants

Ceux dont les revenus augmentent. Les contribuables dont les revenus augmentent fortement vont payer, avec une année d'avance, un impôt plus important que celui qu'ils auraient réglé dans le système actuel. Année qu'ils récupéreront, comme les autres, lors de leur passage à la retraite, où ils seront imposés sur leur pension dès leur première année de retraité.

Ceux qui perdent un avantage familial ou conjugal. Les contribuables qui, en cours d'année, divorcent ou voient leurs enfants partir, perdent le bénéfice du quotient conjugal ou familial. Actuellement, ils perdent cet avantage fiscal l'année d'après, au moment de régler leur impôt sur les revenus gagnés l'année précédente, au cours de laquelle leur situation familiale a changé. Dans le nouveau système, ils devraient perdre le bénéfice de cet avantage l'année même où leur situation change. Mais comme pour ceux dont les revenus augmentent, ils basculeront avec un an d'avance par rapport au système actuel dans l'imposition comme retraité.

Les nouveaux entrants. Les personnes qui entrent dans la vie active, au moment ou après la réforme, eux, ne gagneront rien. Ils paieront des impôts dès la première année de revenus, tout en bénéficiant, en fin de carrière, et comme les autres, de l'imposition comme retraité avec une année d'avance. Seul avantage encore une fois: les héritiers n'auront rien à régler, les impôts ayant été acquittés au moment du décès. C'est d'ailleurs cette population qui, dans le futur système, fait que l'Etat, au final, ne devrait pas perdre d'argent. Leur imposition un an plus tôt qu'actuellement permet de compenser ceux qui bénéficient un an plus tôt d'une imposition comme retraités ou qui décèdent sans que les héritiers soient sollicités.