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Libération
Analyse

Airbnb passe la démultipliée

Comme Uber dans les transports urbains, la plateforme de location de logements entre particuliers connaît une croissance effrénée.
(Photo Justin Sullivan. AFP)
publié le 18 juin 2015 à 20h04
Un milliard de dollars. C’est le montant du nouveau tour de table que Airbnb est en train de boucler. Le site de location de court terme de chambres et d’appartements de particuliers pourrait alors être valorisé à hauteur de 24 milliards de dollars (21 milliards d’euros), soit plus que la chaîne d’hôtels américaine Mariott (21 milliards de dollars), le numéro 1 mondial du secteur, le site Internet de réservations de voyage Expedia ou encore le groupe hôtelier français Accor (10 milliards d’euros).
Véritable phénomène de société, Airbnb a déjà connu une croissance effrénée ces dernières années. Fondé en 2008 à San Francisco, le site vise 900 millions de dollars en 2015, soit trois fois plus qu’en 2014. Et en 2020, il affiche un objectif de 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Présent dans 34 000 villes dans le monde et 190 pays, le site, qui loue déjà des hébergements à Cuba, devrait encore afficher une perte de 150 millions de dollars cette année. Mais selon ses calculs, il pourrait parvenir ensuite devenir très rentable en atteignant un bénéfice de 3 milliards annuel à l’horizon 2020.

Course au gigantisme

Start-up star de la Silicon Valley, Airbnb présente plusieurs points communs avec Uber. Comme l’application de transports urbains, ce système de réservation chez l’habitant est lancé dans une course effrénée au gigantisme dans le but d’installer sa position de leader partout dans le monde. D’où les levées de fonds à répétition pratiquées par ces deux plateformes (déjà 800 millions pour Airbnb et plusieurs milliards pour Uber) qui, en numérisant nos modes de consommation, cherchent à satisfaire leurs clients à tout moment, en tout lieu et au meilleur prix. Une stratégie du rouleau compresseur ou «winner takes all» qui vise à dégager des rendements croissants au fur et à mesure que sa communauté d’usagers – déjà 25 millions de membres chez Airbnb – s’étoffe.
Plus les offres de logements sont nombreuses, plus les clients le sont aussi. Comme on le disait déjà à l’époque d’eBay, une des premières places de marché d’Internet spécialisée dans l’achat et la vente de biens aux enchères, «le grand nombre d’offres tire les prix à la baisse pour l’acheteur et le grand nombre d’acheteurs garantit un volume de réservation très important aux vendeurs». Le fameux «effet de réseau» qui porte en lui une tendance naturelle au monopole et à la reconstitution de nouvelles rentes de marché.

Multiplication des litiges

Comme Uber avec les taxis, le nouvel usage que banalise Airbnb dans l’hébergement remet en cause le modèle traditionnel de l’hôtellerie en s’en distinguant à la fois par le prix et le service rendu aux clients. Une «uberisation» qui se traduit aussi par la multiplication des litiges sur le plan réglementaire et juridique. Le site est désormais perçu comme un concurrent frontal par les hôteliers et les agences de location immobilières saisonnières et déstabilise le marché de la location.
Dans quantité de villes, les propriétaires de logements préfèrent en effet multiplier les locations de courte durée via Airbnb plutôt que de les louer sur de longues périodes. Une pénurie dont s’inquiètent les municipalités, qui multiplient les arrêtés et les contrôles afin d’endiguer ce phénomène. L’an dernier, le bureau du procureur de New York, Eric T. Schneiderman, estimait dans un rapport que pratiquement 75% des annonces de location sur Airbnb ne respectaient pas les lois en vigueur dans l’Etat.