On se demande si la dernière innovation de Land Rover aidera vraiment les propriétaires d’une Range Sport à passer des ornières boueuses, comme nous le fait croire la marque anglo-indienne. A 60 000 euros le 4x4 (premier prix), le «Remote control Range Rover Sport», présenté la semaine dernière, évitera surtout les arrêts cardiaques à la première éraflure sur la portière.
Avec une application smartphone, qu’il utilise comme une télécommande, le conducteur peut manœuvrer la voiture depuis l’extérieur, sans être réellement au volant. Concrètement, il peut avancer, reculer, freiner, tourner et régler la hauteur de la Range, dans une limite de 6 km/h. Et ainsi manœuvrer dans des conditions difficiles en ayant une vision claire de l’environnement du véhicule. Ce qui est certes bien pratique pour passer un sentier de sable en épingle à cheveu, mais aussi et surtout pour se garer dans un espace exigu.
Ce petit joujou illustre bien la manière dont les constructeurs nous amènent petit à petit à la voiture. Ingénieurs, chercheurs, tous ceux qui travaillent étroitement sur le véhicule sans chauffeur parlent d’une même voix : l’automatisation de la conduite se fera par une succession de briques technologiques. Le premier niveau de briques existe déjà, ce sont les «Advanced Driver Assistance Systems» (Adas, ou systèmes avancés d’aide à la conduite). Ils régulent la vitesse, freinent automatiquement, gèrent les distances de sécurité, vous maintiennent dans votre voie, garent votre voiture à votre place.
L’aire de stationnement est, avec l’autoroute, l’un des principaux terrains de jeux des constructeurs et des équipementiers : faible vitesse, situation facile à gérer. Mais surtout, elle apporte un vrai service aux utilisateurs qui peinent à garer leur mastodonte de plus en plus large sur des places de parking dont les dimensions stagnent.
Les Français de plus en plus adeptes des grosses voitures
La deuxième partie de la vidéo de présentation de Land Rover correspond davantage à ce qu’on observera dans la réalité. L’application sert aussi à sortir sa berline sans être obligé de se glisser entre les deux voitures et d’ouvrir la portière en risquant d’érafler la voisine. Ce qui serait sacrilège. Des situations de plus en plus courantes.
Car, en plus de soixante ans, la voiture moyenne en France a pris 22 centimètres dans les hanches, selon les chiffres de l'Argus qui établit un portrait-type chaque année ; elle mesurait 1,56 m en 1953, 1,72 m en 2004, 1,78 m en 2014. Les hauts de gamme flirtent couramment avec les deux mètres. La Range Rover Sport, par exemple, occupe 1,98 m de large. En face, les parkings jouent les statu quo : à partir de 2,20 m de large pour les places en épis, 2.30 pour les places en bataille (perpendiculaires à la voirie) selon la réglementation nationale. Soit 15 cm de chaque côté du marquage si on a bien visé le milieu. Ce que n'a pas fait le propriétaire de cette voiture, hélas pour lui :
Sachant que la technique présentée ci-dessus n'est pas recommandée par le code de la route, que les places de parking ne vont globalement pas s'élargir dans les années qui viennent, et que les Français apprécient de plus en plus les grosses voitures, la solution de la télécommande exposée la semaine dernière par Land Rover s'impose tranquillement. BMW a par exemple annoncé que sa future série 7 (1.91 m de large) sera équipée d'un système automatique permettant de garer celle-ci «dans des places étroites» depuis l'extérieur de la voiture, en utilisant la clé pour commander la marche avant ou la marche arrière. La berline, blindée de capteurs, se glisse toute seule dans le box – et s'en extrait – au poil de parechoc près.
Audi teste aussi ce système sur son A7 (1,91 m de large également). Les autres constructeurs s'y mettent : le groupe PSA a par exemple annoncé le 11 juin qu'il comptait proposer un système équivalent pour 2018. Ford propose déjà un système d'assistance automatique au stationnement, où la voiture se charge de l'ensemble la manœuvre. La version «avec télécommande» devrait bientôt arriver, assure le constructeur.
Système de voiturier automatique
Mais ce n’est qu’un palier dans la course vers l’autonomie. L’évolution de l’aide au créneau est l’illustration parfaite d’une fonction simple qui peut aboutir à un bouleversement de nos usages. Au départ, c’était l’alarme sonore à l’arrière du véhicule qui prévenait du choc lors d’un créneau. Est apparue l’option qui repère les places de parking d’une taille suffisante pour y garer la voiture. Naturellement, la fonction automatique a suivi : la voiture effectue la manœuvre toute seule. Avec le conducteur au volant, puis sans personne dans la voiture.
Prochaine étape : si le conducteur n’a plus besoin d’être dedans, pourquoi être à proximité ? En 2013, l’équipementier Valeo avait présenté son système Valet4U : l’automobiliste abandonne sa voiture (Une Range Evoque de 1.96 m de large) sur la vidéo, devant un parking et la voiture s’en va chercher sa place toute seule. Depuis deux ans, les marques haut de gamme ont toutes présenté un système de voiturier automatique qui, dans les prochaines années, devrait équiper leurs berlines.
Et si le conducteur n'a plus besoin de descendre dans le parking souterrain, pourquoi devrait-il accompagner sa voiture au pied de l'immeuble ? Et pourquoi ne pas la laisser devant son bureau, pendant qu'elle va se garer dans un autre quartier, une ville voisine ? Ces options seront développées un jour. «Et là, on commence à voir les impacts sur la mobilité et l'urbanisme, explique Guillaume Devauchelle, responsable de l'innovation chez Valeo. Cette proximité entre le domicile et la voiture, entre le travail et la voiture n'est plus nécessaire. On voit bien comment, avec un exemple qui est la manœuvre de parking, on peut casser des codes de manières importantes.»
Petit à petit, ces aides à la conduite nous acclimatent à l’idée qu’un jour, la voiture conduira seule pendant que nous autres, passagers, serons plongés dans nos lectures, nos SMS ou bien dans un sommeil profond. Et pas seulement dans le parking.