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Analyse

Solaire: Engie tombe dans le panneau

En rachetant mardi Solaire Direct, l'ex-GDF Suez devient le leader du secteur. Virage stratégique vers les renouvelables ou greenwashing ? Un peu des deux.
La ferme solaire des Mées, dans les Alpes-de-Haute-Provence, installée par Solaire Direct. Avec 112 780 panneaux, c'est la plus grande centrale photovoltaïque de France. (Photo Jean-Paul Pelissier. Reuters)
publié le 1er juillet 2015 à 18h20

Engie se ménage une place au soleil. Le groupe a fait l’acquisition, pour un peu moins de 200 millions d’euros, de 95% de Solaire Direct, devenant ainsi le leader du secteur en France. Cette prise de contrôle, conforme à la stratégie de développement des énergies renouvelables affichée par le géant gazier, s’accompagne d’une augmentation de capital de 130 millions d’euros.

Objectif, selon Engie : décrocher la première place européenne sur le marché de la transition énergétique, et le statut «d'énergéticien de référence sur les marchés à forte croissance». Entre autres, l'Inde, l'Afrique du Sud et l'Amérique du Sud, autant de région où Solaire Direct est déjà implanté. L'entreprise, créée en 2007, dispose en France de 49 parcs solaires en activité ou en construction représentant une capacité totale de 392,4 mégawatts. Elle cherchait à lever des capitaux depuis un moment et avait échoué à entrer en Bourse en avril. «Ce rapprochement va donner à Solaire Direct à la fois les moyens et la taille critique pour accélérer son développement», a commenté son patron, Thierry Lepercq.

«Engie n’achète pas pour tuer»

Pour Engie, qui exploite déjà 22 centrales photovoltaïques au sol pour une puissance totale de 158,5 mégawatts, le rachat de Solaire Direct est d'abord un moyen d'acheter des capacités installées, pour devenir un acteur qui compte dans le secteur. «L'énergie solaire est en plein essor, c'est une belle opportunité, explique Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, auquel Engie adhère. Solaire Direct a de bons résultats, avec 173 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2014-2015. »

Aux yeux de Raphaël Claustre, directeur du Cler, réseau pour la transition énergétique, le motif de cette opération oscille, pour Engie, entre volonté de contrôle de l'innovation technologique et réorientation de fond vers le marché des renouvelables. «Je ne pense pas qu'Engie achète pour tuer. Le groupe élargit le panel de technologies qu'il maîtrise. Cet investissement montre qu'il considère le solaire comme assez mûr pour s'engager.» Il y a quelques années, GDF Suez était déjà devenu numéro 1 de l'éolien en captant une myriade de PME du secteur.

1% des capacités électriques

Un processus normal, dans l'optique d'Engie : les mastodontes du CAC 40 «courent après les PME», selon Raphaël Claustre. «Elles sont plus agiles et en avance sur ce marché. Par nature, elles sont davantage portées sur l'innovation.» «Le solaire n'est pas le seul intérêt d'Engie, tempère le directeur du Cler. Il faut attendre pour voir s'il s'agit bien d'un engagement stratégique.» Pour l'heure, l'énergie photovoltaïque représente moins de 1% des capacités électriques du groupe. Quoique cette part soit destinée à gonfler, elle ne devrait pas dépasser celle de l'énergie éolienne (4%). Avec 56% de la production énergétique du groupe, le gaz naturel reste donc l'activité principale du groupe. Au total, les énergies non renouvelables constituent encore 79% de ses capacités.

«Le solaire n'est pas une niche subventionnée, c'est quelque chose de central qui sera au cœur des systèmes énergétiques de demain, donc on mise d'emblée sur du solaire compétitif», a toutefois défendu Isabelle Kocher, directrice générale déléguée chargée des opérations d'Engie, lors d'une conférence de presse. Thierry Mueth, ancien président de l'Enerplan, syndicat des professionnels de l'énergie solaire, salue un «mouvement de consolidation» : «Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un actif de plus parmi tant d'autres, il y a de mon point de vue une volonté de croissance d'un pôle nouvelles énergies. Les gros arrivent.»