L'X, rien qu'une pouponnière de polards apprentis technocrates ? Pas si sûr. L'Ecole polytechnique, à laquelle colle depuis des lustres une image d'élitisme austère, proposait déjà trois masters dédiés à l'entrepreneuriat et l'innovation technologique à ses élèves qui sont de plus en plus nombreux à être tentés par l'aventure de la création d'entreprises high-tech. Des jeunes pousses comme Echy (pour Eclairage Hybride), une start-up qui a développé une technologie permettant de transporter la lumière du soleil à l'intérieur des bâtiments à l'aide de fibres optiques, ou PriceMatch, dont l'algorithme aide les hôteliers à adapter leur politique tarifaire en fonction de la demande, ont ainsi été créées par des jeunes polytechniciens.
Et, depuis le mois d'avril, la prestigieuse institution bicentenaire a ouvert ses portes à des start-up extérieures avec le lancement de X-Up, un «accélérateur» dédié à l'accompagnement de projets novateurs. Nul besoin d'être étudiant ou diplômé de l'X, la sélection se fait sur dossier et tout le monde peut postuler. A condition d'avoir de sérieuses bases scientifiques ou technologiques tout de même… Imagerie médicale, big data ou objets connectés font ainsi partie des priorités de l'incubateur fraîchement installé sur le plateau de Saclay.
«Il y a une volonté de l'école de faire de l'entrepreneuriat un de ses piliers, comme la recherche et l'enseignement le sont traditionnellement,explique Matthieu Somekh, responsable du pôle entrepreneuriat et innovation de l'école d'ingénieurs. L'accélérateur sera hébergé dès la rentrée dans notre nouveau bâtiment, La Fibre Entrepreneur - Drahi X - Novation Center.» X-Up accompagne les créateurs de start-up «technologiquement innovantes», quels que soient leurs secteurs d'activité et leurs origines, sur une période de six mois renouvelable une fois. Objectif : créer une entreprise et être en mesure d'attirer les investisseurs à l'issue des six mois.
La première promotion (école oblige) réunit quatre projets et une quinzaine d'entrepreneurs. La seconde vague de recrutement a commencé, pour un lancement de projet début octobre, avec le double de participants. «A terme, nous visons des promotions de 12 à 15 projets», prévoit Matthieu Somekh.
«L’école nous met sans cesse au défi»
Coaching quotidien, encadrement par un entrepreneur en résidence, rencontres avec des experts et mise à disposition des laboratoires de fabrication : Polytechnique met les petits plats dans les grands pour accueillir des projets triés sur le volet. «Après une présentation et un dossier de candidature, nous sommes passés devant un jury d'une quinzaine de personnes : ingénieurs, financiers, experts marketings et autres», raconte Antoine Dupont, de la start-up Auxivia, l'un des quatre projets déjà retenus.
Son projet, mené avec l'un de ses camarades d'école : créer une gamme d'objets connectés destinés aux personnes âgées et à leurs aidants, comme leur première création, un verre intelligent qui prévient le personnel soignant des risques de déshydratation des patients. «Avoir le bon réseau à proximité est l'un des facteurs essentiels à la réussite d'une start-up à son démarrage. Celui de Polytechnique permet d'accéder directement à l'interlocuteur qualifié, nous avons gagné six ou sept mois grâce à cela, détaille le «start-upper». L'école pose beaucoup de jalons, et nous met sans cesse au défi. Ça permet de ne pas s'endormir.» Seul bémol : le fonctionnement parfois «trop rigide» de l'administration de l'école, pour le rythme d'une start-up.
L'assise offerte par Polytechnique a également permis à Auxivia de recruter : «Nous avons embauché une première personne en CDI, et nous attendons une nouvelle arrivée. Nous ne nous serions pas lancés dans ce type de contrat si nous n'étions pas dans l'accélérateur», raconte Antoine Dupont. En contrepartie de son soutien, Polytechnique prend des parts dans la start-up («7% ou 8%», pour Auxivia), qu'elle cède ensuite lors des levées de fonds, finançant ainsi son fonctionnement. Outre la possibilité de renouveler un bail de six mois à Polytechnique, les start-up auront également l'opportunité d'intégrer la pépinière de l'école.