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Le «Financial Times» à vendre, peut-être, mais pas en solde

Selon Bloomberg, le quotidien de la City pourrait changer de mains pour plus de 1,4 milliard d’euros. Une valorisation d'une autre époque dans le paysage sinistré de la presse.
(DR)
publié le 21 juillet 2015 à 17h41
Le Financial Times est, une nouvelle fois, l’objet de toutes les spéculations. L’agence Bloomberg a révélé que le groupe Pearson, propriétaire du journal britannique depuis 1957, pourrait céder sa poule aux œufs d’or. A tout le moins, des acquéreurs potentiels auraient fait part de leur intérêt sonnant et trébuchant. Bloomberg évoque ainsi Axel Springer, le plus grand groupe de presse allemand qui publie entre autres les quotidiens Bild et Die Welt, ou encore «des investisseurs d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie». Les sources, qui ont tenu à rester anonymes, ont confié que Pearson serait tenté par ces offres, à commencer par celle de Springer, qui apparaît la plus sérieuse.

«Je mange mon chapeau»

Difficile de résister, en effet, à une transaction qui pourrait atteindre 1 milliard de livres, soit un peu plus de 1,4 milliard d'euros. A titre de comparaison, le milliardaire Jeff Bezos a racheté le Washington Post et ses 450 000 exemplaires vendus par jour, pour 250 millions de dollars seulement il y a deux ans. «Si Pearson arrive à obtenir 1 milliard de livres pour le Financial Times, je mange mon chapeau !» s'est exclamé Alex DeGroote, analyste chez Peel Hunt.

Ce «précieux trophée», comme il l'appelle, est diffusé à 720 000 exemplaires. Le journal rose saumon a surtout réussi avec brio sa transition vers le numérique. Son nombre d'abonnés ne cesse d'augmenter et 70% de ses lecteurs le lisent en version numérique. Et ce malgré le prix élevé de l'abonnement : le pionnier du modèle «paywall» demande 335 dollars (306 euros) par an à ses lecteurs connectés. Mais il est vrai que ces derniers, décideurs en entreprises et cadres de la finance, ont les moyens de payer pour lire leur bible.

Un lectorat riche et captif

Présent partout dans le monde, le Financial Times propose divers services rémunérateurs au-delà de ses articles de référence sur l’actualité économique et financière : un site d’emploi pour les cadres supérieurs (Exec-Appointments), un service de recherche fournissant des conseils aux investisseurs (China Confidential), un fournisseur de macro-intelligence pour les banques d’investissements mondiales (Medley Global Advisor), etc. Et sa clientèle est à la fois riche et captive. De quoi expliquer une valorisation qui reste très élevée malgré la crise de la presse.

Mais les avis concernant sa potentielle vente sont partagés. Claudio Aspesi, analyste chez Bernstein, ne pense pas que le moment soit propice. «Le Financial Times ne dévoile pas les détails du déficit de son fonds de pension, fait-il remarquer, mais c'est sûrement de l'ordre de centaines de millions de livres. Le taux d'intérêt est très bas en ce moment, payer le déficit de pension pourrait entailler sérieusement le produit net.» 

Navire amiral

De plus, les affaires de Pearson ne sont pas toutes roses. Le groupe aurait perdu beaucoup d’argent en investissant dans Nook, la liseuse de Barnes & Noble. Le groupe voudrait aussi se concentrer sur le problème du ralentissement des ventes de manuels scolaires aux Etats-Unis, un phénomène qui porte préjudice au groupe éditorial.

Ce n'est pas la première fois que la rumeur d'une vente du Financial Times circule. Elle a commencé lorsque Pearson a vendu, en 2008, les Echos, le cousin français du FT, à Bernard Arnault. Mais, en février 2013, John Fallon, le PDG de Pearson, avait déjà balayé d'un revers de la main les supputations sur une vente du navire amiral du groupe. «Le Financial Times a de la valeur, et il a de la valeur pour Pearson. J'ai dit que l'entreprise n'était pas à vendre», avait-il affirmé, avant d'ajouter qu'absolument aucune discussion n'avait été entamée. Cette fois-ci, Pearson, tout comme Axel Springer, n'a pas commenté la rumeur. Est-ce un signe ?