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Libération
Récit

Grèce : l'Eurogroupe touche (enfin) au but

Après des mois de négociations, les ministres des Finances de la zone euro se disent confiants quant à l’adoption du troisième programme d’aide à la Grèce.
Euclid Tsakalotos (à droite) et Luis de Guindos Jurado, ministres grec et espagnol des Finances, vendredi à Athènes. (Photo Emmanuel Dunand. AFP)
publié le 14 août 2015 à 18h50

Après des mois de négociations marathon qui ont vu la zone euro vaciller, l’Eurogroupe s’apprête à avaliser le mémorandum d’accord conclu entre le gouvernement grec et les institutions. A moins que les dernières résistances ne viennent gripper la machine. Cette fois, ça devrait être la bonne. Les ministres de la zone euro sont réunis aujourd’hui à Bruxelles, depuis le milieu de l’après-midi, pour décider de lancer le troisième programme d’aide à la Grèce.

C'est l'optimisme qui prévaut dans la capitale européenne. Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, s'attend à «une issue positive», même si les échanges conservent un potentiel d'enlisement ; «cela va être long», prévient-il. Quant à Michel Sapin, il a rappelé que le gouvernement grec avait «pris ses responsabilités». C'est désormais aux Etats de la zone euro de montrer leur «solidarité», par la mise en œuvre de ce programme d'aide, a-t-il ajouté.

Réformes majeures

En jeu : la somme de 86 milliards d’euros, à débourser en trois ans. Pour octroyer ce prêt, l’Eurogroupe doit se prononcer en faveur de l’accord «technique» auquel sont parvenus le gouvernement grec, le FMI, la BCE et le Mécanisme européen de stabilité, lundi 11 août, suite aux conclusions de l’épique sommet européen du 13 juillet. Le texte égrène une longue liste de réformes, souvent majeures — réforme des retraites, collecte de l’impôt, lutte contre la fraude fiscale, privatisations, etc. — à mettre en œuvre rapidement. Même parmi les partisans de la ligne dure à l’égard d’Athènes, ceux qui poussèrent au Grexit au mois de juillet, on montre des signes d’apaisement.

«Je serais très surpris que nous ne trouvions pas un accord aujourd'hui», a déclaré Alexander Stubb le ministre finlandais des Finances. Wolgang Schäuble lui-même a fait part de son «optimisme». C'est dire. Si l'on en croit ces déclarations, le plan devrait se dérouler sans accroc. L'Eurogroupe pourrait être «plié» en quelques heures. Il faut dire que le gouvernement grec, après avoir accepté le 13 juillet l'aide des Etats de la zone euro — et leurs contreparties pour le moins exigeantes —, s'est conformé à tout ce qui lui était demandé. Le Parlement grec a été convoqué pour se prononcer sur le contenu du plan d'aide et pour enclencher une série de réformes les 15 et 22 juillet.

Un fil politique ténu

Idem jeudi, pour une discussion à la Vouli, qui a vu le clan des frondeurs de Syriza s'affirmer un peu plus, mais qui n'a pas empêché le Parlement de se prononcer favorablement pour un ensemble «d'actions préalables». Actions qui incluent par exemple des mesures pour limiter l'accès aux pré-retraites, d'autres pour réduire les subventions «diesel» aux agriculteurs et d'autres encore augmentant la taxe sur le tonnage des transports maritimes. «Après tous les efforts qu'a fournis la Grèce, j'imagine mal que ça capote maintenant», affirme Mariane Dony, de l'Institut d'études européennes de l'Université libre de Bruxelles.

Et pourtant, tout ne sera pas si facile. Tout ne tient qu'à un fil politique ténu. «Il y a encore une série de questions qui doivent être résolues», affirmait, laconique, Valdis Dombrovskis, le commissaire européen en charge de l'euro. Des questions qui concernent par exemple la somme nécessaire à refinancer le secteur bancaire (environ 25 milliards). Mais aussi, des questions essentielles qui concernent le FMI. Pour l'Allemagne, mais aussi pour la Slovaquie ou les Pays-Bas, le FMI doit participer au financement du prêt accordé à la Grèce. C'est une condition clé pour avaliser le mémorandum d'accord. Là où le bât blesse c'est que le FMI a déclaré à plusieurs reprises ne pas souhaiter s'associer au programme d'aide tant que la restructuration de la dette grecque n'était pas discutée. Pour le FMI, il n'est pas envisageable de prêter de l'argent lorsqu'une dette n'est pas «soutenable».

La restructuration de la dette (sans réduction nominale) fait bien partie de l'accord du 13 juillet. Mais la discussion n'aura pas lieu avant la première évaluation du programme d'aide, en octobre. Le blocage est donc potentiel. Comment expliquer qu'une série de pays, l'Allemagne en tête, tiennent tant à ce que le FMI s'implique dans ce programme ? D'abord parce que les quelques milliards d'euros que pourrait mettre de sa poche le FMI seraient autant de milliards que n'auraient pas à débourser les Etats européens. Mais pour Charles de Marcilly, de la fondation Robert Schuman, «cela permet aux partisans de la ligne dure de l'Eurogroupe de pouvoir compter sur un allié». Un allié, sauf sur la dette.

A moins que ce type d'arguments ne serve les intérêts politiques de ceux qui, secrètement, rêvent toujours d'un Grexit, des «prétextes de la part des plus radicaux des chrétiens-démocrates qui pensent toujours qu'une zone euro sans la Grèce se porterait mieux», dit Marianne Dony.

Grain de sable

L’autre sujet à discorde concerne toujours ce fameux fonds de gestion des actifs privatisés de l’Etat grec. L’accord du 11 août suggère de confier à une «task force» le soin d’étudier les options pour opérationnaliser ces fonds. Créer une task force semble ne pas tout à fait convenir au même groupe d’Etats de la ligne dure, qui souhaite que ce fonds soit mis en place très rapidement. Ces réserves (de principe ?) émises par plusieurs Etats pourraient mettre un grain de sable dans les rouages de l’Eurogroupe, mais ne devraient pas empêcher de trouver un accord, moyennant quelques petites modifications. Si tel n’était pas le cas, la Grèce recevrait un prêt relais d’environ 6 milliards pour faire face à ses échéances urgentes, à commencer par le remboursement des 3,2 milliards d’euros dus à la BCE.