Cynisme ? Aveuglement ? Provocation ? La réaction du gouvernement à la publication, vendredi, des derniers chiffres sur l'activité, a dérouté plus d'un observateur. Alors que l'Insee attendait un petit + 0,3 % au deuxième trimestre, c'est un zéro pointé qui est sorti du chapeau des statisticiens. Autrement dit, un arrêt de la croissance en France, après un premier trimestre plutôt dynamique (+ 0,7 %). Pas de quoi, cependant, décontenancer l'exécutif qui, dans un réflexe très orwellien, a fait usage d'une communication plutôt… renversante. «Ces chiffres nous encouragent à maintenir le cap et à poursuivre nos efforts pour amplifier la reprise de la croissance et créer davantage d'emplois», a déclaré, sans rire, le Premier ministre, Manuel Valls, durant ses vacances décidément très occupées. «Ce résultat (sic), ce n'est pas seulement le fruit d'un "alignement astral" favorable - pétrole bas, taux d'intérêt bas, euro bas. C'est d'abord le résultat d'une politique volontariste : avec le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité, ce sont 20 milliards d'euros qui ont déjà été restitués aux entreprises», détaillait un peu plus tôt le ministre des Finances, Michel Sapin. Bref, tout va mal, mais tout va bien. Et ce, grâce aux décisions de l'exécutif.
Au-delà de ces réactions proches du déni, les chiffres de l’Insee ne sont pas seulement décevants, ils sont inquiétants. Et montrent combien la politique engagée depuis le début du quinquennat, quoi qu’en dise le gouvernement, tarde de plus en plus à porter ses fruits. Au point d’interroger sa pertinence. Certes, les marges des entreprises se sont enfin rétablies, mais sans profiter pour autant à l’économie. Leurs investissements n’ont crû que d’un minuscule 0,2 %, trois fois moins qu’au trimestre précédent. Leur taux d’investissement moyen (22,7 %) a même légèrement reculé au premier trimestre, pour la deuxième fois d’affilée. Ce qui conduit à ce constat cruel : le gouvernement, depuis 2012, a tout misé sur les entreprises, et celles-ci ne sont pas au rendez-vous. Faut-il pour autant les blâmer, elles qui, dans les enquêtes de l’Insee, réclament depuis des années des carnets de commandes plutôt que des aides financières ?
Les entreprises, non, mais leurs représentants, oui. Et le gouvernement qui les a crus. Car pour contenter les demandes médéfiennes de toujours moins de prélèvements, l’exécutif, dans un contexte de restrictions budgétaires, est allé piocher dans la poche des ménages. Or, c’est bien un défaut de demande privée (en forte baisse au deuxième trimestre) qui handicape aujourd’hui la reprise, comme le rappelle l’économiste Philippe Waechter. La relancer pourrait déboucher sur une hausse substantielle des investissements des entreprises, indispensable relais à une croissance rapide. Les nouvelles baisses d’impôts en faveur des bas revenus permettront-elles de rejoindre ce modèle ? Trop peu, trop tard, serait-on tenté de répondre. La croissance, techniquement, finira bien par revenir un jour. Mais d’ici là, que de temps perdu.