«Formidable jeunesse!» C'est sous ce credo que s'est ouverte, mercredi après-midi, l'université d'été du Medef, à Jouy-en-Josas, dans les Yvelines. Place aux jeunes, donc, puisque, comme l'a souligné Pierre Gattaz, le patron des patrons, lors de son discours inaugural, plus de «50% d'entre eux veulent devenir entrepreneurs». Avant d'ajouter: «Ils vont nous secouer. C'est eux l'avenir de la France.»
La reine Rania de Jordanie, invitée star de l'événement, compte elle aussi sur la jeunesse. C'est elle qui doit «changer l'image du Moyen-Orient» dont la réputation souffre des exactions de l'État islamique. «Je vous dis Moyen-Orient, vous pensez quoi? […] A Petra? A ses mers cristallines? A l'hospitalité renommée de ses habitants? Sûrement pas», a-t-elle lancé au public conquis. Pour elle, une seule solution pour redorer le blason d'une zone qui pâtit de ses conflits: «la jeunesse.» «Il faut créer des emplois pour les jeunes qui vont poser les bases pour un futur plus sûr et plus prospère», a continué la reine.
Seul problème, malgré toutes ces incantations, la jeunesse était plutôt introuvable entre les différents stands installés sur le campus d'HEC. Quelques moins de 30 ans, costard-cravate et tailleurs, étaient bien à l'honneur sur la scène de la grande halle. Soit une quinzaine de jeunes apprentis, tout juste revenus du Worldskills, une compétition internationale récompensant les meilleurs jeunes professionnels. «La fierté de la France», selon Pierre Gattaz. Mais dans la salle, les têtes étaient majoritairement grisonnantes.
«Gattaz ne nous a pas fait rêver»
Face à son auditoire, transi par la chaleur étouffante, Pierre Gattaz n'a pas manqué de rappeler les grands maux dont souffre, selon lui, la France: une «croissance poussive», un taux de chômage «indécent» ou encore le manque de compétitivité. Sans vraiment convaincre la poignée de néo-entrepreneurs sur l'utilité de se syndiquer. «Tous les ans, c'est le même topo, note un jeune créateur de start-up français installé aux États-Unis, là où les choses sont bien plus faciles.» Pour lui, Gattaz n'a pas suffisamment évoqué les nouvelles technologies. «C'était un discours très politique, ajoute son voisin. Il ne nous a pas fait rêver. La seule chose qu'il a dite de vrai, c'est que, en effet, les responsables du Medef ont besoin d'être un peu secoués par la jeunesse!»
Le patron des patrons a eu beau multiplier les mots en anglais et glisser un peu de novlangue dans son discours, le décalage reste entier. «Le gap est énorme avec la génération X, Y ou Z. Que voulez-vous que Pierre Gattaz comprenne aux jeunes?», s'interroge Antoine, à la Chaire Pépite France, qui promeut l'entreprenariat étudiant. Le jeune homme ne se sent pas représenté par l'organisation patronale, d'autant qu'il n'est pas tout à fait d'accord avec son «excès de libéralisme économique». «Pour moi, c'est un peu le FN de l'économie», poursuit-il. Trop tourné vers les grandes entreprises, pas assez connecté au monde des nouvelles technologies, l'organisation patronale, peine à séduire les jeunes entrepreneurs. Car ils l'avouent, ils ont d'abord fait le déplacement «pour faire du réseau».
«Gauchistes»
Plus loin, dans un amphithéâtre feutré, une conférence-débat porte sur le thème des «jeunes dans un monde de vieux». Sur scène, un seul participant dans la vingtaine: étudiant à l'Essec, il se présente au public de quinquas comme «exclusivement là pour des histoires de moyenne d'âge». Ils ne sont que cinq jeunes dans la salle. Tous des soutiens de leur camarade sur l'estrade. Dans les allées, les rares cadets croisés travaillent pour les prestataires de l'événement: «Nous, on est des gauchistes, pas du tout adhérents!», assurent deux jeunes en costard, tasse Starbucks à la main.
On ne trouvera qu'un seul jeune adhérent du Medef assurant que le syndicat est un «écosystème diversifié avec des hommes, des femmes, des jeunes et des vieux». Et une jeune fille de 20 ans, qui se voit bien adhérer pour entrer «dans la grande famille des entreprises». Elle assure que, grâce au Medef, elle a pu être mise en contact avec des grands groupes. Mais avoue toutefois ne pas avoir assisté au discours de Gattaz et ne pas trop connaître les propositions économiques portées par l'organisation patronale.