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Libération
Analyse

Travail: Valls bouscule le code

Le Premier ministre prend le risque de fracturer la majorité avec ce chantier.
publié le 27 août 2015 à 20h06

Reste-t-il encore des sujets tabous pour le gouvernement ? Après trois ans de réformes plutôt inattendues de la part de la gauche - politique de l'offre, accords compétitivité, réforme du licenciement, des prud'hommes - l'exécutif devrait poursuivre sur sa lancée «sociale-libérale». En s'avançant encore un peu plus, à la rentrée, sur un dossier très sensible pour sa majorité : le code du travail. «Nous devons repenser la façon d'élaborer une réglementation du travail devenue trop complexe», a ainsi plaidé le Premier ministre, Manuel Valls, dans une tribune aux Echos, mercredi. Tout en «continu[ant] de bâtir notre modèle de "flexisécurité" à la française», en laissant notamment «plus de liberté aux entreprises et aux salariés pour prendre les décisions les mieux adaptées pour eux». Un chantier qui devrait être mené parallèlement à l'élaboration une seconde «loi croissance», alias Macron 2, prévue en 2016, et centrée sur l'«entrepreneuriat et le numérique».

Cet approfondissement de la «flexibilité à la française» devrait débuter par la remise, en septembre, du rapport Combrexelle - ancien directeur du travail - sur la place de la négociation d'entreprise. Faut-il élargir les possibilités de déroger, au niveau de l'entreprise, aux accords de branche, même dans un sens défavorable au salarié ? Avec, comme petit garde-fou, l'exigence d'une majorité, côté syndical, de 50 % pour signer un tel document, contre 30 % aujourd'hui ? Faut-il aller plus loin dans les PME, et laisser la possibilité à l'employeur de signer des accords avec un salarié lambda, et non plus avec un délégué syndical, ou un salarié mandaté ? Au risque de pouvoir faire signer un peu n'importe quoi au salarié…

Du caractère plus ou moins «audacieux» de ces propositions dépendra la virulence du débat au sein de la gauche (lire ci-dessous). Le sujet, en effet, est d'ores et déjà sensible entre réformateurs et frondeurs, à un moment où Hollande cherche à rassembler sa majorité.

Le contenu du rapport conditionnera aussi la réaction des organisations syndicales. Or celles-ci devraient, en toute logique, discuter de ce rapport lors de la prochaine conférence sociale des 19 et 20 octobre. En cas de propositions jugées scandaleuses par certaines d’entre elles, d’aucuns craignent un boycott de la conférence par la CGT et FO, comme ce fut le cas en 2014.

Le patronat, lui aussi, pourrait monter au créneau si, à l’inverse, le rapport impose, par exemple, de nouveaux thèmes de négociation obligatoires dans l’entreprise (sous-traitance, responsabilité sociale…), ou exige un «agenda» de négociation. D’autant que le comportement des organisations patronales, et notamment du Medef, pourrait se durcir à l’approche de la présidentielle.

Pour toutes ces raisons, une partie de l'exécutif pourrait être tenté de calmer le jeu. «Combrexelle a été choisi pour enterrer le dossier, estime un observateur de la scène sociale. Car l'Elysée n'a pas envie d'ouvrir la boîte de Pandore, avec des propositions explosives, côté syndical comme patronal.»

Sans compter les autres sujets sociaux brûlants qui ne vont pas manquer dans les mois qui viennent : négociation sur l’assurance chômage, sur les retraites complémentaires, rapport sur le compte personnel d’activité (CPA), solution de rechange à trouver après la censure par les «sages» de la barémisation des indemnités prud’homales… Au milieu de ce champ de mines, la simplification du code du travail - autre volet avancé par Valls - pourrait tourner court. Signe, d’ailleurs, que cet agenda sensible et chargé n’a pas échappé en haut lieu : l’Elysée semble prendre tout son temps pour trouver le bon remplaçant à Rebsamen au ministère du Travail.