Surprise. Deux mois après la mort de Satoru Iwata, son charismatique président, Nintendo a sorti de son chapeau un successeur plutôt inattendu en la personne de Tatsumi Kimishima. Agé de 65 ans, l'homme n'est certes pas un inconnu dans la maison où il est entré en 2000 pour diriger la filiale Pokémon. Mais depuis le décès du facétieux Iwata le 11 juillet, on citait surtout deux autres noms pour reprendre le flambeau du pionnier japonais des jeux vidéo. D'abord celui de Shigeru Miyamoto, 62 ans, le directeur général de Nintendo et créateur des franchises Super Mario (qui vient de fêter ses trente ans), Star Fox ou encore F-Zero. Mais aussi celui de l'autre numéro 2, l'ingénieur Genyo Takeda, 66 ans, en charge des consoles comme la Wii. Depuis deux mois, ce tandem était aux manettes à Kyoto dans l'attente de la nomination du successeur.
Aucun des deux n'a finalement été retenu pour prendre les commandes du géant japonais du jeu vidéo. Le conseil d'administration a donc choisi ce lundi un autre homme du sérail, plus effacé, pour «renforcer la structure du groupe après la direction» selon un communiqué laconique. Avec Tatsumi Kimishima, Nintendo se dote d'un sérieux, d'un administratif, d'un comptable. Pas vraiment un créatif du secteur… Avant de rejoindre le géant du jeu, Kimishima a passé vingt-sept ans dans la banque. Embauché en 2000 en tant que responsable financier de Pokémon Company, il devient le président de la filiale nord-américaine de Nintendo en mai 2006. Sept ans plus tard, il rentre au Japon pour s'occuper des affaires générales de la succursale. Depuis 2014, il avait endossé la casquette des ressources humaines et secondait un Iwata déjà malade du cancer.
Migration vers le mobile
Avec ce curriculum plutôt gris, Tatsumi Kimishima risque d'avoir du mal à coller avec l'autodéfinition qu'affectionnait Satoru Iwata : «Sur ma carte de visite, je suis PDG. Dans ma tête, je suis développeur de jeux. Mais dans mon cœur, je suis un joueur.» PDG haut en couleur, affable et communicateur qui incarnait Nintendo, Iwata adorait se mettre en scène pendant de longues séances de questions-réponses ou lors de l'E3, la grande convention du jeu aux Etats-Unis. Tatsumi Kimishima glissera-t-il ses pas dans ceux d'Iwata ? C'est toute la question.
Pour l'heure, le nouveau PDG doit surtout veiller à la réussite des chantiers lancés par son prédecesseur : la grande bascule vers le jeu en ligne et la nouvelle console. En mars, Nintendo a acheté des parts de la société DeNA, basée à Tokyo, avec laquelle elle entend développer des jeux à la fois compatibles pour les consoles, les smartphones, les tablettes, en embarquant des personnages créés par Nintendo. Ce projet doit voir le jour à l'automne avec un premier titre, avant la publication de cinq autres d'ici à 2017. Jusqu'à cette annonce, les représentants de Nintendo, et Iwata en tête, avaient toujours rejeté cette migration vers les appareils mobiles. «Le monde est en train de changer, donc toute entreprise qui n'est en prise avec ce changement, est condamnée au déclin», disait Satoru Iwata au printemps pour expliquer son revirement.
Nouvelle console l’an prochain
Pour effacer les mauvaises ventes de sa console Wii U, concurrencée par la Xbox de Microsoft, la Playstation de Sony et, dans une moindre mesure, les iPhone et iPad d’Apple, Nintendo prévoit de lancer une nouvelle console «NX» pour l’année prochaine. Mais aucune date précise n’est avancée.
Le tandem Shigeru Miyamoto-Genyo Takeda reste dans l’organigramme de Nintendo mais change de titre en héritant respectivement de curieuses fonctions : «compagnon créatif» pour le premier, «compagnon technologique» pour le second. Signe que la nouvelle direction sera probablement plus collégiale que la précédente. On ne remplace pas Satoru Iwata au pied levé.