C'est une affaire de centimètres en moins. A la conférence de presse organisée par le groupe Amaury pour présenter la nouvelle formule de l'Equipe, ce mercredi matin, les journalistes se sont vu remettre une règle en papier. Dessus, quelques repères, tels que la différence de taille entre Zlatan Ibrahimovic et Cristiano Ronaldo – 10 cm –, ou la taille des pieds de Michael Jordan – 30,9 cm. Dans le lot, on trouve les nouvelles dimensions du quotidien sportif : 28 cm de large et 36 de haut. Un format tabloïd, comme Libération. Moitié moins grand que la taille actuelle du monument quotidien de la presse sportive donc, qui rapetissera définitivement dès vendredi, à l'occasion du début de la Coupe du monde de rugby, après un test concluant effectué en juin.
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Mini-viennoiseries
A J-2 («pas très loin de la ligne d'arrivée», dixit le grand chef filant la métaphore sportive), l'Equipe a donc convié les confrères pour leur présenter son nouveau bébé. Le patron du quotidien sportif, Cyril Linette, nouveau directeur général arrivé de Canal + voilà quelques mois, parle pendant que la quinzaine de journalistes présents picore des mini-viennoiseries dans la cantine du journal, un peu réaménagée. Parmi les raisons du changement qui touche le journal qui se voit en «doudou du fan de sport», il y a d'abord le souci de maniabilité. Depuis sa création, il y a bientôt soixante-dix ans, l'Equipe est, d'après Cyril Linette, «difficile à déplier sans gêner son voisin», et sa taille imposante serait devenue «un frein à la lecture». En cause, notamment, des contenus «pas rangés» et la longueur de certains articles : «Ça fait peur, on veut lire, mais on se dit qu'on va pas y arriver.» Cyril Linette pense par ailleurs que la taille et la maquette actuelles sont peut-être «un peu trop masculines» pour les lectrices potentielles…
Autre problème du gabarit géant : les conséquences sur l'élaboration du journal. Les nombreuses entrées dans chaque page permettent certes des libertés en terme de longueur d'articles, mais impliquent de repenser l'aménagement tous les jours. Avec le broadsheet (le nom du grand format historique), «il faut un peu réinventer la roue tous les jours», commente Linette, sévère avec l'ancienne formule. Normal, il faut bien justifier le passage au tabloïd. En réalité, la métamorphose intervient dans un contexte d'effritement des ventes depuis plusieurs années. L'an dernier, la diffusion France payée de l'Equipe a chuté de près de 10 % à un peu moins de 220 000 exemplaires, selon l'OJD. Le DG a beau insister sur le fait que, d'après ses chiffres, les ventes seront stables sur 2015 (elles sont en recul de 5,8 % sur la dernière déclaration intermédiaire 2014-2015), Jérôme Cazadieu, le directeur de la rédaction, avoue qu'à l'image de toute la presse écrite, on peut parler d'une «situation d'urgence».
Le Web et le print font équipe
Derrière la forme se profile un «changement de fond». Un mouvement qui vise à «rapprocher les rédactions» web et print, comme le précise Cazadieu. Le site internet, dont l'audience progresse (5,3 millions de visiteurs uniques en 2014) et le journal imprimé doivent être plus complémentaires. «On a le site internet pour l'exhaustivité», fait valoir Linette. Le papier devrait désormais être surtout réservé à l'analyse et au décryptage. Mais pourquoi pas plus tôt ? A l'heure où les supports de lecture ne cessent de se ratatiner (écrans d'ordinateurs, tablettes, mobiles...), l'Equipe était le dernier quotidien français à avoir conservé le broadsheet. Le «sujet suranné» du tabloïd trainait pourtant «depuis longtemps dans l'entreprise». Une première tentative sérieuse avait eu lieu en 2008, sans aboutir. Maquette insatisfaisante, manque de volonté des décideurs ou changements de têtes aux postes clés : les raisons diffèrent selon les interlocuteurs. Ce n'est donc que sept ans plus tard que le pas est franchi.
Vendredi, l'Equipe rapetissé comptera tout de même 56 pages. Par la suite, ce sera 32 la semaine, et 48 le week-end. Le foot, discipline reine du quotidien, se verra consacrer une vingtaine de pages chaque jour, contre 8 actuellement. Pour éviter d'avoir à feuilleter le journal trop longtemps avant de retrouver tel ou tel sport – une des réserves émises par certains lecteurs – un sommaire se trouvera à la fin. L'autre éventuel inconvénient d'un Equipe format junior est d'ordre économique. Si les coûts de production vont très peu varier, les espaces publicitaires risquent de se vendre moins cher. Pour l'instant, Cyril Linette assure que ce n'est pas le cas. Son objectif : que, d'ici la fin 2015, les ventes (environ 220 000 exemplaires par jour aujourd'hui) aient augmenté de 5 à 10% dans un marché qui lui aussi se rétrécit d'année en année.