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Libération
Récit

Aux Etats-Unis, Netflix fait déjouer la cour des grands

Avec 42 millions d’abonnés, chiffre en hausse de 17 % sur un an, le géant de la VOD concurrence directement les grands networks américains.
publié le 20 septembre 2015 à 19h16

Qui a succédé à Breaking Bad, sacrée meilleure série dramatique en 2013 et 2014 ? A l'heure où nous écrivons ces lignes, nous ne connaissons pas le palmarès de la 67e cérémonie des Emmy Awards, les «oscars» de la télévision américaine, qui s'est déroulée dans cette nuit à Los Angeles. Parmi les favoris dans la catégorie reine : Game of Thrones, House of Cards et Mad Men, qui pourrait rentrer dans l'histoire en devenant la première série dramatique sacrée à cinq reprises. Quel que soit le vainqueur, une chose est sûre : la statuette suprême échappera au «Big Four», les quatre principales chaînes américaines - ABC, CBS, Fox et NBC. Aucune de leurs productions ne figure sur la liste des nominés. Parmi les sept séries sélectionnées, deux (House of Cards et Orange Is the New Black) sont en revanche l'œuvre de Netflix, qui continue de révolutionner le paysage audiovisuel américain.

Erosion. Si les chiffres divergent selon les analystes, tous dessinent une même tendance : les audiences de la télévision traditionnelle s'effritent. Selon la dernière étude du cabinet Nielsen, référence du secteur, un adulte américain a passé en moyenne 5 h 30 par jour devant la télévision au premier trimestre 2015, contre 5 h 44 un an plus tôt, soit une baisse de plus de 4 %. Le cabinet de recherche MoffettNathanson, lui, évoque une chute plus marquée (9 %) et attribue 43 % de cette perte d'audience au phénomène Netflix.

Car dans le même temps, le leader incontesté de la VOD affiche une santé éclatante, avec ses 42 millions d’abonnés aux Etats-Unis, en hausse de 17 % sur un an. Au premier trimestre 2015, les utilisateurs de Netflix à travers le monde ont regardé plus de 10 milliards d’heures de vidéo en ligne. D’après le cabinet FBR Capital Markets, l’audience de Netflix aux Etats-Unis devrait dépasser en 2016 celle de chacun des membres du Big Four, obligés de contre-attaquer.

Ainsi, début avril, Time Warner a lancé HBO Now, le site de streaming de sa chaîne vedette HBO, qui produit notamment Game of Thrones, True Detective ou Girls. L'idée : concurrencer Netflix sur son propre terrain en permettant aux internautes d'accéder aux contenus de HBO sans passer par un coûteux abonnement au câble (souvent plus de 100 dollars par mois, environ 88 euros). A terme, HBO mise sur 4 à 5 millions d'abonnés à sa plateforme en ligne. Il y a quelques jours, le patron de Time Warner a déclaré, sans plus de précisions, que les premiers résultats étaient «conformes aux attentes».

La grille de rentrée du Big Four illustre une autre facette de la riposte. Plus de nouveautés, plus de moyens, plus de stars. Fox a ainsi augmenté son budget de production de plus de 16 %. Et NBC a remanié sa grille. Treize programmes ont été supprimés, seize font leur apparition, dont le très attendu Blindspot (premier épisode ce lundi), série dramatique mettant une scène une amnésique tatouée a coûté la bagatelle de 59 millions de dollars.

Rajeunir son image. Enfin, pour reconquérir les jeunes, cible privilégiée des annonceurs, les groupes audiovisuels traditionnels courtisent les nouveaux médias. Le mois dernier, NBC Universal a ainsi investi 200 millions de dollars dans BuzzFeed, le site qui mélange infos insolites, people et sérieuses. Objectif pour NBC : renforcer sa présence en ligne et rajeunir son image. Il faut dire qu'il y a urgence. D'après Nielsen, l'âge médian des téléspectateurs du Big Four en prime time dépasse désormais les 50 ans, treize de plus que l'âge moyen américain. Et rien ne semble pouvoir enrayer la désaffection des 18-24 ans pour la télévision traditionnelle. Entre 2011 et 2015, le temps d'audience au sein de cette catégorie a plongé de 47 %, passant de 26 h 30 à 18 heures par semaine.