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Libération

Diesels : le gros coup de pompe

Ventes en net recul, études incriminantes … Les vertus environnementales et économiques du gazole sont mises à mal.
Lundi à Francfort-sur-le-Main, une Volkswagen Golf est soumise à une inspection de ses émission. (Photo Patrick Pleul. AFP)
publié le 22 septembre 2015 à 20h26
(mis à jour le 24 septembre 2015 à 16h16)

Attaqué de toutes parts et désormais au centre du scandale Volkswagen, le diesel vit-il la fin de son âge d'or, voire ses dernières années ? La question est posée avec l'annonce de l'arrêt de la commercialisation aux Etats-Unis de tous les véhicules de marques Volkswagen et Audi équipés d'un 4 cylindres carburant au gazole. Cette affaire intervient au plus mauvais moment pour les promoteurs du diesel roi qui vantaient encore récemment, et contre toute évidence, les vertus économiques et environnementales (moindre consommation et moindre rejet de CO2 que l'essence) de ce type de moteurs en passant sous silence les effets cancérogènes de leurs émissions de particules. Car le diesel n'a plus du tout le vent en poupe : en France, les ventes de véhicules neufs roulant au gazole ont reculé l'an dernier de 3 % par rapport à 2013 et de 11 % comparé à 2012. Et si 62 % du parc automobile français a encore un diesel sous le capot en 2015, plus de 50 % des voitures nouvellement immatriculées au premier semestre carburent désormais à l'essence.

«FAP». Les constructeurs européens, français en tête, n'ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour imposer le diesel sur les routes. Et faire taire ceux qui pointaient le risque sanitaire et environnemental de ces moteurs généreux en fumées noires et microparticules toxiques en tout genre. En 1999, PSA Peugeot-Citroën a sorti de son chapeau le fameux filtre à particules, remède supposé miracle aux émissions nocives. Couplé à une fiscalité avantageuse, une consommation moins gourmande et des rejets faibles en CO2, de nombreux conducteurs se sont laissés embarquer par cette technologie dans les années 2000. Aux Etats-Unis, royaume du tout essence, sa part de marché augmentait ainsi lentement mais sûrement ces dernières années sous l'impulsion des constructeurs allemands, VW en tête.

Mais aujourd’hui l’efficacité de ce fameux «FAP» est remise en question. En 2013, 11,3 % des particules PM10 et 49,3 % des oxydes d’azote (substances directement ou indirectement nocives pour l’homme) rejetés dans l’air en France provenaient de véhicules diesel, d’après l’inventaire réalisé par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) en avril. Et depuis juin 2012, il est avéré que les gaz d’échappement de ces moteurs provoquent des cancers du poumon chez ceux qui y sont régulièrement exposés - d’après l’ONU. On peut douter de l’existence d’un «diesel propre».

Surtout que le 10 septembre, la fédération européenne Transport & Environment révélait que tous les grands constructeurs automobiles vendaient des voitures trop polluantes : seul un véhicule diesel analysé sur dix serait conforme à la nouvelle norme Euro 6, en vigueur depuis le 1er septembre, qui limite la quantité de gaz nocifs que ceux-ci peuvent rejeter. Comme si les industriels n'étaient finalement pas parvenus à limiter la nature polluante du gazole à mesure que les normes se durcissaient. «A chaque génération de véhicules, les constructeurs prétendent qu'elle est enfin propre… reconnaissant ainsi que la précédente ne l'était pas !» a réagi mardi le député (EELV) Denis Baupin. Dans son rapport, Transport & Environment déplore que les grandes marques autos préfèrent équiper leurs voitures de filtres low-cost alors que des technologies bien plus efficaces existent déjà.

Pastille verte. Partisan de longue date du diesel - à travers la mise en place d'un «bonus-malus» favorable au carburant préféré des Français - l'Etat semble, depuis peu, enclin à reconsidérer cet amour sale. A la Conférence environnementale de novembre dernier, le Premier ministre Manuel Valls parlait de «revenir progressivement dessus avec intelligence et pragmatisme». La maire de Paris, Anne Hidalgo, est désormais dans l'optique d'interdire les véhicules au gazole dans la capitale d'ici 2020. «Le discours politique semble désormais porté sur le fait que le diesel est un problème», analyse Denis Baupin.

Mais comment en finir avec ce problème dans une France «diésélisée» ? Le député avance ses solutions : «Arrêter de construire des véhicules diesel, supprimer progressivement la niche fiscale favorable à ce carburant [en juillet, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a exclu de l'aligner avec l'essence, ndlr] et se servir de l'argent pour inciter les particuliers à changer de véhicule, ou utiliser la pastille verte annoncée par Royal pour classer les diesels dans la catégorie des voitures polluantes.» Autant de façons de dire que le gazole va devenir financièrement moins intéressant qu'avant et surtout qu'il ne permettra plus de rouler partout.