Le streaming a le vent en poupe. Le 8 septembre, le Snep, principal syndicat de producteurs de disques, annonçait que les revenus issus de l'écoute de musique en ligne, c'est-à-dire hors téléchargement légal, en France avaient progressé de 42,7% de juillet 2014 à juillet 2015. Désormais, les revenus issus du streaming représentent «la moitié du chiffre d'affaires des ventes physiques» (CD, vinyles) dans l'Hexagone. Ce matin, Deezer, start-up française créée en 2007, a annoncé sa prochaine introduction à la Bourse de Paris, vraisemblablement «avant la fin de l'année».
Quelle est la place de Deezer sur le marché du streaming ?
La concurrence sur le streaming musical est de plus en plus vive. La start-up française, qui entend accélérer son développement et sa progression à l’étranger, totalise actuellement 6,3 millions d’abonnés dans le monde et 16 millions d’utilisateurs uniques par mois – ces derniers ne paient aucun frais d’abonnement mais doivent accepter la publicité entre les morceaux qu’ils écoutent. De son côté, son principal concurrent, le suédois Spotify, revendique 75 millions d’utilisateurs sur la planète, dont 20 millions pour sa version payante, tandis que le géant américain Apple a lancé son service de streaming musical le 30 juin dernier. Présent dans 180 pays, Deezer compte son premier foyer d’abonnés en France, où elle réalise la moitié de ses revenus annuels (74 millions d’euros en 2014).
Mais derrière les chiffres bruts, la réalité est sans doute moins réjouissante. Si on regarde les chiffres communiqués par Deezer, on remarque que sur l’ensemble des abonnés revendiqués, les trois quarts proviennent des partenariats et des offres groupées avec les opérateurs télécoms. Et ces utilisateurs-là ne sont pas à mettre au même niveau que les abonnés «volontaires». Pour preuve, au mois de juin 2015, plus de 3,3 millions d’abonnés à ce type d’offre (soit plus de la moitié des abonnés payants) n’ont pas utilisé Deezer une seule fois. Pour le moins inquiétant.
Quel est l'objectif recherché avec cette entrée en Bourse ?
Selon Hans-Holger Albrecht, directeur général de Deezer, «le marché de la musique en streaming, encore jeune, est appelé à devenir le principal canal de distribution musicale». Mature, le produit reste plein de promesses et devrait donc être l'objet de convoitises de la part d'investisseurs. Mais, dans cette étape importante pour son développement dans «un moment décisif pour l'industrie musicale», Deezer a choisi de rester dans son pays de naissance en rejoignant le marché Euronext Paris.
Une option autre que celles choisies par d’autres start-up françaises, telles BlablaCar ou Sigfox, qui ont préféré financer leur besoin de capitaux auprès de fonds privés. De son côté, Criteo, start-up française de publicité en ligne, a choisi d’entrer au Nasdaq, l’indice américain des hautes technologies à Wall Street.
«L'introduction en Bourse va permettre de donner une visibilité plus importante à la société», estime Simon Baldeyrou, directeur des opérations de Deezer, selon lequel la start-up française sera «la première de son secteur à tester l'appétit des investisseurs».
Quelle est la valorisation de l’entreprise ?
Si elle n’est pas dévoilée par les dirigeants, la valorisation de Deezer est estimée à environ un milliard d’euros. Pour mémoire, lors de sa dernière levée de fonds en 2012 auprès du milliardaire russo-américain Len Blavatnik, l’entreprise française avait récupéré 100 millions d’euros. Le suédois Spotify est pour sa part valorisé à plus de 8 milliards de dollars.
Pour autant, Deezer, qui a enregistré en 2014 un bond de son chiffre d’affaires de 53%, à 142 millions d’euros, n’est pas encore rentable. Mais la start-up espère dépasser d’ici 2018 la barre des 750 millions de chiffre d’affaires, notamment grâce à l’innovation et le renforcement de son offre de contenus, à l’image de l’intégration de podcasts en France, au Royaume-Uni et en Suède. La multiplication et le renforcement de partenariats, notamment avec des opérateurs télécoms, devraient permettre à terme à la start-up d’atteindre ses objectifs.