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Libération
Vu de Berlin

Affaire Volkswagen, un séisme qui secoue toute l’Allemagne

Alors que le cours de Bourse de Volkswagen plonge, le patron du groupe est sur la sellette et l’ensemble du secteur automobile outre-Rhin tremble de voir sa réputation ternie.
Martin Winterkorn, à la tête du groupe Volkswagen (ici le 13 mars à Berlin) devait être reconduit vendredi pour deux ans. Désormais, rien n'est moins sûr. (AFP)
publié le 22 septembre 2015 à 20h06

Les jours de Martin Winterkorn sont comptés. Sa reconduction pour deux ans à la tête du groupe lors de la prochaine réunion du conseil de surveillance, vendredi, devait être une formalité. Mardi en fin d'après-midi, il est apparu tendu dans un clip diffusé sur le site du groupe pour présenter ses «excuses». Pas question de démission donc, mais dans la presse allemande, le nom de son successeur circule déjà : le patron de Porsche, Matthias Müller, 62 ans. Deux réunions du conseil de surveillance - une restreinte, mercredi, et une séance plénière vendredi - pourraient entériner ce changement de direction.

Mais même le départ de Winterkorn ne mettrait pas fin au tremblement de terre qui ébranle Volkswagen : mardi, après avoir révélé que 11 millions de véhicules diesel équipés d'un moteur de type EA 189 sont concernés par le scandale, la direction revoyait à la baisse ses prévisions de résultats pour 2015. Le scandale a fait fondre de 6,5 milliards d'euros les bénéfices escomptés cette année, en prévision de «dépenses exceptionnelles» prochainement engagées. Et cette somme sera insuffisante pour payer les pénalités aux Etats-Unis, de l'avis de l'analyste Holger Schmidt, de Equinet.

Créneau. L'affaire «va avoir des conséquences financières considérables, qui ne sont pas encore calculables, estime le spécialiste de l'industrie automobile Ferdinand Dudenhöffer. L'image et la crédibilité de Volkswagen dans le monde entier sont maintenant entamées.»

Autant parler de catastrophe nationale quand il s'agit d'un groupe de 600 000 salariés et 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Le cours de Volkswagen a chuté de 35 % en deux jours. Angela Merkel est elle-même montée au créneau mardi : «Il s'agit maintenant de faire preuve d'une transparence totale, d'expliquer l'ensemble du processus, et j'espère que les faits viendront sur la table le plus vite possible.» Le ministre des Transports a mis sur pied une commission d'enquête «chargée de vérifier à Wolfsburg [le siège du groupe, ndlr] si les véhicules de Volkswagen sont conformes aux règles allemandes et européennes».

Liens. Cet interventionnisme inhabituel du gouvernement fédéral en dit long sur le séisme qui secoue le pays. Car ce n'est pas seulement Wolfsburg qui tremble. Les cours de BMW et de Daimler ont aussi chuté. Des spécialistes assurent que la pratique des logiciels de trucage pourrait concerner l'ensemble du secteur.

Dorothee Saar, de l'ONG environnementale Deutsche Umwelthilfe, rappelle qu'en Europe, «les constructeurs savent qu'ils n'y a pas de contrôles a posteriori». Gert Lottsiepen, de l'association pour la promotion de transports écologiques VCD, calcule que «chaque année, le gouvernement allemand perd 200 millions d'euros de recettes fiscales sur la taxe automobile perçue à la vente de voitures neuves, du fait des déclarations erronées des constructeurs sur les émissions réelles de leurs véhicules».

Axel Friedrich, un ancien de l’Office allemand pour l’environnement, dénonce les liens trop étroits entre constructeurs et pouvoirs publics. C’est particulièrement vrai dans le cas de Volkswagen, propriété à 20 % du Land de Basse-Saxe.

Au-delà des constructeurs automobiles, l'ensemble du «made in Germany» pourrait être touché. «Si la réputation des produits allemands se trouve en danger, c'est la croissance et l'aisance du pays qui sont menacés, car un emploi sur sept dépend directement ou indirectement de l'industrie automobile», souligne le quotidien Süddeutsche Zeitung.