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Libération
EDITORIAL

Dupes

publié le 23 septembre 2015 à 20h16

Ainsi Volkswagen, groupe allemand à la rigueur réputée, a berné, selon son propre aveu, 11 millions de clients. Alors que, dans tous les pays, le patronat explique jour et nuit que l’économie de marché repose sur la confiance… Depuis l’affaire Enron, donc, en passant par le scandale du Crédit lyonnais ou la crise des subprimes, un certain nombre d’agents subversifs, au cœur même de la classe dirigeante, s’acharnent à discréditer le capitalisme en se comportant exactement à l’inverse de ce qu’ils prêchent publiquement. Etrange propension du système à miner les bases mêmes de sa légitimité. Notre enquête le montre : la tentation du mensonge dépasse le cercle discret de directions indélicates ou de cadres sans scrupules. Sous la pression de la concurrence, sous la férule des normes de rentabilité, les arrangements avec la vérité se multiplient, avec les consommateurs ou dans les rapports hiérarchiques. Bien sûr, nous ne sommes pas dans une économie Potemkine où tout ne serait qu’illusion. L’intérêt bien compris des directions d’entreprise n’est pas de laisser leurs subordonnés maquiller les comptes, tricher sur les résultats ou masquer les problèmes. Sauf à prendre des risques insensés, à diriger à l’aveugle ou, comme le patron de Volkswagen, à devoir finalement démissionner dans l’opprobre. Pourtant, cela se produit. Les théoriciens libéraux, plutôt que de jouer sans cesse les docteurs Pangloss de l’économie en expliquant que le marché a réponse à tout, feraient bien de se pencher sur la question. En attendant, chacun comprend que dans ce jeu de dupes partiel mais dangereux, les contre-pouvoirs - lanceurs d’alerte, associations de consommateurs, ONG, syndicats - jouent un rôle décisif. Souvent, les ennemis du capitalisme sont des ennemis de l’intérieur.