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Libération
Tractations

Face au CSA, Vincent Bolloré baisse d'un ton

Recevant aujourd'hui le nouvel homme fort de Canal+ à huis clos, les huit sages ont rappelé à l'homme d'affaires breton qu'il avait besoin de leur accord pour mettre en place sa nouvelle stratégie.
Vincent Bolloré après sa réunion avec le CSA, ce jeudi. (Photo Jacques Demarthon. AFP)
publié le 24 septembre 2015 à 18h49

Après le grand chamboule-tout de Vincent Bolloré à Canal+, le CSA avait souhaité entendre, le nouvel homme fort de la chaîne cryptée. A huis clos. «Ce fut un dialogue franc et précis, raconte une source dans l'entourage du CSA. Il a bien sûr été question de l'indépendance éditoriale de la chaîne mais aussi de la stratégie du groupe appelée à évoluer dans les prochains mois et sur laquelle le CSA a également un droit de regard.» Les huit membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel ont interrogé l'homme d'affaires pendant plus de deux heures après les accusations d'un collectif de journalistes et de la Société civile des auteurs multimédia (Scam) d'avoir fait censurer des reportages d'investigation déprogrammés par Canal+. L'un portait sur les manœuvres fiscales du Crédit mutuel, l'autre sur le duel Hollande-Sarkozy. Un autre reportage sur l'OM, diffusé sur Canal+ Sport, a pour sa part été retiré de l'offre de télévision de rattrapage.

Vincent Bolloré a cherché à rassurer le CSA sur ce point en s'engageant à réactiver le comité d'éthique à i-Télé, dont deux des trois membres avaient démissionné suite à la valse des têtes dans la chaîne «tout info». Il a également proposé la création d'un comité similaire à Canal+ où il n'existait pas et ce afin de «garantir, sous le contrôle du CSA, l'indépendance éditoriale comme celle de l'information» de la chaîne, selon les termes du CSA.

Mais le CSA lui a également rappelé que son autorisation était nécessaire pour avaliser plusieurs des changements annoncés par Vincent Bolloré ces dernières semaines : réduction de la plage en clair, changements de nom de i-Telé qui deviendra CNews et de D8 et D17, futurs C8 et C17. Autant de leviers qui vont permettre, selon un proche du dossier, de négocier une sorte de donnant-donnant avec l'homme d'affaires breton. Car, à la différence des conventions signées par le CSA avec TF1 et M6, celle liant Canal+ et le conseil de la tour Mirabeau sur les quais de Seine est toujours restée très light. D'où l'idée de la remettre en chantier en imposant cette fois au propriétaire de Canal+ des engagements forts et écrits sur les garanties d'indépendance éditoriale en échange du feu vert du CSA sur les changements voulus par la nouvelle direction.

Synergies entre Canal+ et le groupe Vivendi

«Il s'est montré réceptif, témoigne un proche du CSA, mais, à ce stade, ne souhaite pas s'engager de manière formelle afin de ne pas être bloqué dans les synergies qu'il compte mettre en place entre Canal+ et le groupe Vivendi.» On sait notamment que Vincent Bolloré souhaite rapprocher la chaîne cryptée d'Universal, le numéro un mondial de la musique et autre filiale de son groupe. Il a donc été décidé de mettre en place un «groupe de travail» composé pour moitié de représentants de Canal+ et pour l'autre de représentants du CSA afin d'examiner les conséquences de ces changements sur la régulation du groupe. Il s'agira notamment, selon une source proche du dossier, de renforcer la convention de Canal+ dans le domaine de l'indépendance de l'information par rapport aux intérêts des actionnaires. Ces nouvelles règles, qui existent déjà à TF1 et M6, seront indispensables pour asseoir le pouvoir du comité d'éthique proposé par Vincent Bolloré.

Le patron du conseil de surveillance de Vivendi et de Canal+ s'est également expliqué sur l'éviction de dirigeants de la chaîne, à qui il reprochait de n'avoir pas su anticiper la concurrence et réagir à temps. Tout sourire à la sortie, Vincent Bolloré s'est contenté de dire qu'il «croit beaucoup à la régulation française» et a «toujours respecté» la réglementation. Les prochains mois diront si ces bonnes intentions, à rebours des censures récentes – un collectif de journalistes dont Elise Lucet de Cash Investigation et Fabrice Arfi de Mediapart accuse Vincent Bolloré d'avoir «piétiné à de multiples reprises le principe d'indépendance des médias, pilier de notre démocratie» –, sont ou non suivies d'effet, au moins sur le papier.